L'état de la prévision probabiliste dans la Supply Chain (2025)
En 2012, chez Lokad, nous avons opéré un virage depuis des séries temporelles à un seul nombre vers une vision probabiliste du monde — d’abord par la prévision par quantiles, puis par des distributions prédictives complètes pour la demande et le délai de livraison, et enfin par l’optimisation décisionnelle stochastique. Plus d’une décennie plus tard, très peu de choses ont réellement changé sur le marché des logiciels d’entreprise — sauf chez Lokad. La plupart des éditeurs prononcent désormais le mot probabilistic ; presque aucun n’a reconstruit leur stack de manière à ce que l’incertitude soit modélisée, combinée et intégrée jusque dans les décisions automatisées.
Une carte compacte du marché
| Editeur | Évaluation |
|---|---|
| Lokad | Système de décision probabiliste authentique de bout en bout. Des distributions pour la demande et le délai de livraison sont combinées et exploitées par une couche d’optimisation ; il n’existe aucun paradigme de safety‑stock/taux de service. |
| ToolsGroup | Semi‑authentique : une modélisation probabiliste réelle alimentant un MEIO basé sur le taux de service/safety‑stock et des workflows de planification. |
| Smart Software | Semi‑authentique : des distributions de demande sur délai de livraison crédibles pour des articles intermittents, suivies de politiques de taux de service et de safety‑stock. |
| Epicor IP&O (Smart) | Semi‑authentique : le moteur probabiliste de Smart intégré ; des politiques exprimées en termes de taux de service. |
| SAP IBP (SmartOps) | Semi‑authentique : MEIO stochastique pour atteindre des objectifs de taux de service ; module probabiliste ajouté au sein d’une planification déterministe. |
| GAINS | Semi‑authentique : MEIO qui « prend en compte l’incertitude » mais opérationnalisé via des objectifs de taux de service et de safety‑stock. |
| Blue Yonder | Niveau marketing : le marketing parle de prévisions « autonomes/probabilistes » ; le modèle opérationnel se centre sur la segmentation par taux de service et sur des safety stocks dynamiques. |
| RELEX | Niveau marketing : une pile retail solide ; « probabilistic » apparaît dans le contexte de la précision des stocks, tandis que les décisions reposent sur une logique de safety‑stock. |
| o9 Solutions | Niveau marketing : planification scénarisée ; un MEIO axé sur l’optimisation des objectifs de taux de service et le rééquilibrage des politiques. |
| Kinaxis | Niveau marketing (module probabiliste naissant) : des quantiles et une extension Wahupa MEIO, toujours exprimées en termes de taux de service/safety‑stock dans un processus riche en scénarios. |
| E2open | Semi‑authentique : une terminologie MEIO classique — des safety stocks réseau pour répondre aux attentes de service. |
| Coupa/LLamasoft | Semi‑authentique : des modules de design/MEIO qui calculent les safety stocks optimaux pour les taux de service souhaités. |
| Infor | Niveau marketing : le discours évoque des « méthodes probabilistes », mais les résultats sont présentés en termes de précision, de taux de service et de safety stocks. |
| Anaplan | Niveau marketing : les applications de stocks mettent en avant le safety stock dynamique et la modélisation de scénarios, et non une prise de décision native des distributions. |
Ce tableau codifie les déclarations publiques et la documentation en date de novembre 2025 ; là où les éditeurs publient peu de détails techniques, je privilégie une interprétation prudente.
Un ensemble plus précis de tests décisifs
Au fil des années, j’ai affiné quelques tests qui distinguent les mathématiques du marketing.
Premièrement, l’incertitude doit être modélisée là où elle fait mal. Une supply chain ne fait pas uniquement face à la volatilité de la demande ; le délai de livraison lui-même est une variable aléatoire. Si un éditeur n’estime pas des distributions complètes pour la demande et pour le délai de livraison—puis ne les combine pas de manière cohérente—les affirmations probabilistes n’ont plus lieu d’être. Se contenter d’augmenter les prévisions ponctuelles avec des marges de sécurité ne relève pas de la prévision probabiliste.
Deuxièmement, le résultat doit être des décisions, et non des leviers à régler. Un système authentique intègre les distributions dans une couche d’optimisation qui fait le compromis entre les rendements attendus, les coûts et les contraintes, produisant des quantités à commander, des allocations et des prix. Si « l’objectif final » se limite à un percentile de safety‑stock ou à un taux de service cible, il ne s’agit pas d’un système de décision probabiliste ; c’est une politique déterministe ajustée par des estimations de variance.
Troisièmement, la probabilité doit résister au passage dans le processus. Si l’on s’attend à ce que les planificateurs « éditent » les prévisions dans une grille, nous avons déjà quitté le domaine probabiliste. Les interventions humaines peuvent modifier les contraintes ou les priorités ; elles ne reconfigurent pas manuellement des distributions bien calibrées.
Quatrièmement, les queues épaisses comptent. Le retail et les pièces de rechange sont intermittents ; les délais de livraison présentent des distributions à lourdes queues. Un éditeur qui suppose discrètement des distributions gaussiennes partout ne fait pas de prévision probabiliste ; il fait de l’algèbre avec des moments espérés. La pratique insiste sur un traitement non gaussien.
Cinquièmement, la mesure doit être probabiliste. Si les indicateurs clés (KPI) affichés sont le MAPE et l’exactitude classique, les incitations favoriseront les prédictions ponctuelles et des raffinements superficiels de taux de service. Ce qui compte, ce sont des règles de scoring appropriées pour les distributions et, mieux encore, des objectifs basés sur le profit et la perte.
Enfin, la transparence n’est pas négociable. Les éditeurs devraient publier suffisamment de méthodologie pour que les praticiens puissent voir comment les probabilités se transforment en décisions, y compris la manière dont les incertitudes multiples sont composées et propagées.
À la lumière de ces critères, voici où en est le marché.
Évaluation par éditeur
Lokad — l’exception qui confirme la règle
La stack de Lokad est probabiliste par conception : la demande et le délai de livraison sont apprises sous forme de distributions prédictives complètes, combinées au sein de modèles décisionnels programmatiques qui génèrent des actions concrètes — commandes, allocations, tarification — sous contraintes commerciales. Nous avons délibérément rompu avec les constructions de safety‑stock/taux de service, privilégiant l’optimisation axée sur la décision et la gestion des queues épaisses ; l’objectif est économique, et non l’exactitude pour elle-même. Ce parcours a commencé en 2012 (prévision par quantiles), a évolué vers des modèles distributionnels complets et une optimisation stochastique, et reste notre paradigme dominant.
ToolsGroup — demande probabiliste, interface orientée taux de service
ToolsGroup communique clairement sur les distributions complètes de la demande et la gestion des longues queues. Pourtant, ces distributions alimentent un MEIO orienté service : des courbes stock‑to‑service, des safety stocks dynamiques et des taux de service cibles demeurent la lingua franca. En pratique, il s’agit d’une couche de modélisation probabiliste reliée à des paramètres de politique déterministes et à des workflows de planificateurs.
Smart Software — distributions crédibles, politiques classiques
La force de Smart depuis longtemps réside dans les distributions de demande sur délai de livraison pour des articles intermittents, souvent intégrées via Epicor IP&O. Les mathématiques sont réelles ; l’opérationnalisation est classique : choisir des taux de service, définir des safety stocks, simuler des politiques. Il s’agit d’une entrée probabiliste avec une sortie déterministe.
Epicor IP&O (Smart) — Smart à l’intérieur, service à l’extérieur
L’IP&O d’Epicor vante la modélisation probabiliste de la demande et du délai de livraison et met l’accent sur le stress-test des politiques. Pourtant, les leviers proposés aux utilisateurs sont les taux de service, les safety stocks et la logique de réapprovisionnement ; l’optimisation est présentée comme un compromis service‑contre‑coût.
SAP IBP (SmartOps) — MEIO stochastique en tant que module
L’IBP pour Stocks descend de SmartOps : une optimisation à plusieurs étapes intégrant l’erreur de prévision et la variabilité du délai de livraison afin de maintenir les taux de service client au coût minimum. Il calcule les safety stocks et les objectifs de taux de service ; des éléments probabilistes existent, mais sous forme de module additionnel dans un processus par ailleurs dirigé par le planificateur.
GAINS — optimisation pour atteindre des objectifs de service
GAINS commercialise un MEIO qui « prend en compte l’incertitude » dans la demande, l’offre et le délai de livraison. L’interface de travail, cependant, repose sur une optimisation explicite des taux de service et des réglages de safety stocks. Sophistiqué, oui ; une prise de décision probabiliste de bout en bout, non.
Blue Yonder — probabiliste de nom, mais axé sur le service en pratique
Les pages de Blue Yonder évoquent des prévisions « autonomes » et « probabilistes », or le cœur de la planification des stocks repose sur une segmentation granulaire par taux de service et sur un safety stock dynamique. Des études de cas et du matériel partenaire renforcent un modèle opérationnel axé sur les scénarios et le service plutôt que sur une prise de décision native des distributions.
RELEX — focalisation sur le retail, noyau de safety‑stock
RELEX se concentre sur l’exécution retail et vante désormais la modélisation probabiliste autour du True Inventory. Mais en ce qui concerne le réapprovisionnement et la protection contre l’incertitude, ses propres documents restent centrés sur la maîtrise des safety stocks et l’atteinte des taux de service cibles — un monde de politique déterministe calibré par le ML.
o9 Solutions — scénarios avec une mathématique de taux de service
Le « Digital Brain » d’o9 est une plateforme de scénarios performante. Ses pages MEIO décrivent des recommandations de taux de service optimales et un rééquilibrage continu des politiques ; la probabilité apparaît sous forme de probabilités d’événements et de scénarios hypothétiques, et non comme des distributions qui pilotent directement l’optimisation des résultats économiques attendus.
Kinaxis — quantiles et une extension MEIO, toujours axé sur le service en premier
Kinaxis s’est orienté vers des éléments probabilistes : des blogs abordent les prévisions par quantiles, et l’extension Wahupa introduit un MEIO probabiliste dans Maestro. Pourtant, même cette extension fait la promotion de taux de service différenciés et de réglages de safety stocks ; le processus global reste riche en scénarios et centré sur le planificateur.
E2open — vocabulaire MEIO classique
E2open explique le MEIO en termes d’optimisation des stocks à travers les nœuds pour répondre aux attentes de service, avec la demande, le délai de livraison et le service se répercutant dans le réseau. C’est l’histoire canonique du MEIO axé sur le taux de service.
Coupa/LLamasoft — conception axée sur le taux de service
La suite de conception de Coupa (ex‑LLamasoft) est explicite : développer des politiques par SKU, calculer des safety stocks optimaux, et optimiser en fonction des objectifs de taux de service. Il s’agit là d’une paramétrisation stochastique de politiques déterministes.
Infor — formulation probabiliste, leviers déterministes
Les documents d’Infor évoquent une « prévision intelligente et probabiliste », mais le contenu environnant met l’accent sur la précision des prévisions, les taux de service et le réapprovisionnement en safety stocks. Les leviers mis à la disposition des planificateurs ne sont pas des décisions issues directement des distributions.
Anaplan — applications de stocks avec safety‑stock et scénarios
Les contenus partenaires et les démonstrations présentent des applications de stocks construites autour d’un safety stock dynamique, d’un équilibrage des taux de service et d’une modélisation rapide de scénarios. Utile, certes ; mais la prévision probabiliste au sens fort, non.
Ce que signifie vraiment « authentique »
Un système de supply chain probabiliste authentique doit relever un défi de taille. A minima, il estime des distributions complètes pour la demande et le délai de livraison ; il compose ces incertitudes — souvent avec des queues épaisses — en une vision stochastique unique pour chaque décision ; il optimise un objectif économique sous contraintes, en renvoyant des décisions plutôt que des cibles de paramètres ; il se mesure avec des scores probabilistes appropriés ou des résultats financiers directs ; et il automatise l’exécution de sorte que les humains gèrent les priorités et les contraintes, et non la forme des distributions. Chez Lokad, nous avons construit exactement cela. Ce n’est pas un vernis sur le safety stock ; c’est une architecture différente.
Réflexion finale
Je salue le regain d’intérêt de l’industrie pour le mot probabilistic. Mais les mots ne font pas l’essence des choses. Dix ans plus tard, la plupart des éditeurs habillent encore des politiques déterministes de cosmétiques stochastiques. Tant que l’incertitude ne sera pas combinée et optimisée en décisions — sans béquilles de safety‑stock et de taux de service — l’affirmation restera du marketing. Lokad se distingue parce que nous avons retiré ces béquilles il y a longtemps et avons appris à marcher sur la probabilité elle-même.
Note méthodologique. Cette évaluation se base sur la documentation publique des éditeurs et des articles indépendants. ToolsGroup discute ouvertement des distributions tout en les orientant vers un MEIO axé sur le taux de service ; Smart/Epicor mettent en avant les distributions de demande sur délai de livraison alimentant le choix des politiques ; SAP IBP/SmartOps documentent une optimisation multi‑étapes conduite par le taux de service ; GAINS présente des tableaux d’optimisation de taux de service ; Blue Yonder fait de la publicité pour du « probabilistic » tout en se concentrant sur la segmentation du service et des safety stocks dynamiques ; RELEX met en lumière la maîtrise du safety stock et la précision probabiliste des stocks ; o9 met en avant un MEIO optimisé pour le taux de service et des scénarios ; Kinaxis ajoute une extension Wahupa MEIO qui parle encore le dialecte du taux de service ; E2open et Coupa/LLamasoft décrivent un MEIO classique ; Infor et Anaplan encadrent les résultats en termes de précision et de stocks.
Si un éditeur souhaite contester sa classification, il est invité à publier les détails précis : comment il compose les distributions de la demande et du délai de livraison ; comment ces distributions sont optimisées en décisions ; comment il mesure l’étalonnage ; comment il gère les queues épaisses ; et comment le processus résiste à la tentation d’interventions humaines sur la forme des distributions probabilistes. Ce serait une nouvelle.