Conor Doherty: Pour marquer le dixième anniversaire de notre partenariat avec Air France Industries, Lokad s’est rendu au Salon du Bourget pour rencontrer Jacques Dauvergne, Directeur du Centre de Formation AFMAE d’Air France. Aujourd’hui est un jour spécial. C’est le Salon du Bourget, mais c’est aussi le dixième anniversaire de la collaboration entre Air France et Lokad. Ma première question est donc la suivante : Comment cette relation a-t-elle commencé ?
Jacques Dauvergne: Eh bien, c’était vraiment incroyable. Je rendais visite à un ami, le PDG de l’une de nos joint-ventures en Allemagne, et après la rencontre, ce type m’a dit : “Hé, tu devrais peut-être essayer Lokad. C’est une très petite entreprise, mais ils sont très bons dans l’optimisation des stocks.” À ce moment-là, nous avions exactement les mêmes préoccupations. De retour à Paris, j’ai dit à mon équipe : “D’accord les gars, vous devriez essayer de contacter Lokad et voyons ce que nous pouvons faire ensemble.”
Joannes Vermorel: L’incursion de Lokad dans laviation a débuté avec, en fait, une branche du groupe Air France, qui était Spareliners. C’est une joint-venture entre Air France Industries et Lufthansa Technik, et Spareliners servait de terrain d’expérimentation. Cela nous a permis d’acquérir de l’expérience dans l’aviation. Mais il y a 10 ans, lorsque nous avons entrepris ce projet avec Air France, c’était d’une toute autre ampleur car, d’abord, en termes d’échelle, cela paraissait bien plus grand. On parle d’une échelle environ 20 fois supérieure, mais aussi la diversité des défis est absolument énorme.
Dans le cas d’Air France Industries, ils ont tout. Ils ont une activité MRO, une activité de pool, ils réparent des moteurs à réaction, il y a comme des dizaines de métiers différents. Pour nous, c’était vraiment l’un des clients qui a été pionnier dans le monde de lapproche probabiliste à grande échelle.
Conor Doherty: Alors, après 10 ans, y a-t-il des aspects dont Air France est particulièrement fière ou satisfaite ?
Jacques Dauvergne: Oui, bien sûr. Un livrable vraiment incroyable que nous avons obtenu au début fut que, lors de la première exécution de la solution Lokad, nous avons constaté que nous avions plusieurs millions de surplus de stocks dans nos stocks. Cela n’était pas visible avec les outils traditionnels. Un autre exemple est que je me souviens qu’un jour, un membre de l’équipe Lokad m’a dit : “Vous devriez essayer d’avoir une couverture de 120% sur certaines références.” Pourquoi 120 ? Parce que c’est peu coûteux et au moins, vous pouvez être certain que chaque fois que le client a besoin de la pièce, celle-ci sera disponible.
Ils ont changé notre façon de voir l’optimisation des stocks, et nous sommes passés d’une méthode traditionnelle à une manière de travailler moderne.
Joannes Vermorel: La complexité réside dans le fait que, lorsque vous dites vouloir adopter une approche probabiliste et statistique, il faut modéliser toutes les sources d’incertitude. La vision traditionnelle considère que la seule source d’incertitude est la demande. Mais si vous travaillez dans l’aviation et dans une grande entreprise très complexe, non, vous avez, je dirais, au moins une demi-douzaine de sources d’incertitude.
Vos délais de retour sont incertains. Vos taux de rebut sont incertains. Vos prix d’achat sont incertains. Et oui, la demande de pièces est également incertaine. Vous avez des réparations non planifiées à prendre en compte. Mais ce n’est qu’une fraction de l’incertitude totale. Vous avez beaucoup d’autres éléments.
Pour Air France, nous avons vraiment dû développer des outils pour combiner toutes ces incertitudes afin d’obtenir une optimisation économique, pour que chaque dollar investi par Air France Industries génère le maximum de retour, par exemple en réduisant le nombre d’AOG par an ou en diminuant le nombre de jours de délai de retour pour la réparation des avions ou des moteurs.
Conor Doherty: Vous venez de parler un peu du changement. Y a-t-il d’autres exemples de la manière dont ce projet a modifié la façon dont Air France contrôle sa supply chain ?
Jacques Dauvergne: En fait, il y a 10 ans, les experts en stocks utilisaient la formule EOQ, une méthode très traditionnelle de gestion des stocks. C’était une approche complètement différente de celle de Lokad. Ils nous disaient : “Vous devriez plutôt vous concentrer sur le montant de liquidités dont vous disposez. Si vous avez 1 million de dollars à investir, vous devriez peut-être mettre en place une compétition entre les références.”
Autrement dit, ils peuvent vous fournir une liste des priorités d’investissement ou, au contraire, des priorités pour retirer des pièces des stocks. C’était une vision complètement différente de l’optimisation des actifs.
Conor Doherty: Dix ans, c’est long. Je pense que c’est une longue relation personnelle. C’est également une longue relation professionnelle. Après dix ans, comment maintenez-vous une relation solide entre les deux entreprises ?
Jacques Dauvergne: Bien sûr, nous avons entretenu de bonnes relations avec le PDG Joannes Vermorel, mais ce qui était très important, c’était la relation entre nos équipes. Je pense que les règles principales, essentielles, étaient la transparence et la fiabilité. La transparence, car, par exemple, chaque fois que nous avions une initiative et que nous voulions que Lokad y travaille, ils pouvaient rapidement vous répondre si c’était faisable ou non. Si, après un mois ou deux, ils disaient : “Nous avons étudié le sujet, nous n’allons pas y parvenir,” ils vous disaient que ce n’était pas faisable.
Parce que parfois, certains fournisseurs vous disent qu’ils vont réaliser le travail, puis confirment ensuite qu’ils n’en sont pas capables. De plus, ce qui était fondamental, c’était qu’ils tiennent leurs promesses, ce qui nous permettait d’avoir une grande confiance dans ce qu’ils disaient et, quand nous examinions la solution, elle fonctionnait. C’est une excellente manière d’établir transparence et confiance entre les équipes.
Joannes Vermorel: Je veux dire, encore une fois, chez Lokad tout repose sur le supply chain scientist. En dix ans, la technologie de Lokad a énormément évolué. En fait, nous avons écrit puis réécrit le code environ trois ou quatre fois. Ce n’est donc pas la même optimisation qui s’exécute aujourd’hui par rapport à il y a dix ans. Nous avons littéralement réécrit le code à plusieurs reprises.
Mais aussi, nous avons considérablement élargi le champ des types de décisions. Nous avons débuté avec quelque chose de très simple, qui était l’investissement et le désinvestissement, principalement pour les rotables, ces pièces coûteuses. L’investissement correspond à ce que vous achetez ; le désinvestissement correspond à ce que vous souhaitez revendre sur les marchés secondaires. Par exemple, avec l’évolution de la composition de la flotte qu’Air France Industries soutient, ils peuvent disposer de stocks de pièces qui ne sont plus nécessaires.
La granularité de la prise de décision a vraiment, vraiment changé. Il y a désormais une multitude de décisions. Je pense que nous avons presque quelque chose comme 20 types différents de décisions que nous optimisons pour eux. Cela s’est considérablement étendu et les supply chain scientists ont été les pionniers de ce changement.
Conor Doherty: Encore une fois, nous avons parlé de l’aspect business, mais personnellement, avez-vous un moment préféré de ce bilan de projet depuis le début ?
Jacques Dauvergne: Oui. Un moment clé pour nous, qui a été très critique, fut la crise du COVID. Comme vous le savez, pour la compagnie aérienne, cela a été un véritable cauchemar, et ce fut pareil pour de nombreuses entreprises. Nous avons fait une demande très spécifique à Lokad pour stopper la décaisse. Nous avions des centaines de composants prêts à être envoyés aux États-Unis pour réparation et nous avons demandé à Lokad : “Pourriez-vous mettre en place un algorithme qui nous indique que vous pouvez stopper cet envoi sans prendre le risque de compromettre le taux de service ? Vous devez envoyer celui-ci, même en période de crise COVID, il est très important de maintenir le flux.”
Et puis, en quelques semaines, Lokad a répondu positivement et nous avons simplement reçu une liste de recommandations. Nous avons suivi ces recommandations. Au final, cela a été un succès et c’était très déterminant, bien sûr, pour notre économie.
Joannes Vermorel: Il y a eu des confinements qui ont été le chaos total, et pour nous, ce qui s’est passé, c’est qu’au cours des confinements, la plupart des employés de bureau sont rentrés chez eux. Ainsi, pendant 14 mois, nous avons été privés de ces effectifs. Bien sûr, il y avait encore du personnel pour nous soutenir, mais à un effectif bien plus réduit. La supply chain fonctionnait toujours à environ 70 % de sa capacité, car même si le trafic passagers était en baisse pendant cette période, le trafic cargo était en forte hausse. Au final, pour nous, ce n’était pas une période calme. C’était légèrement plus calme que d’habitude, mais fondamentalement, il y avait encore beaucoup de changements, et cela a vraiment mis l’automatisation de Lokad à l’épreuve.
Conor Doherty: Quelles sont les prochaines étapes du projet et, surtout, comment Lokad peut-il aider ?
Jacques Dauvergne: Nous avons un jalon majeur dans l’amélioration de notre supply chain, à savoir la mise en œuvre de SAP. Nous avons beaucoup discuté avec Joannes et son équipe. Comme nous avons développé de nombreuses solutions entre les outils de Lokad et notre ERP, si nous supprimons l’ERP, nous devons nous assurer qu’il restera opérationnel.
Nous avons donc longuement discuté avec Lokad pour rendre cela très pragmatique et pour nous assurer que nous ne rencontrerons aucune difficulté lors du passage de notre ERP actuel à SAP. L’autre sujet pour les années à venir est la digitalisation. Nous voulons progresser vers un jumeau numérique. Jusqu’à présent, Lokad nous a beaucoup aidés à maîtriser les concepts, mais nous souhaitons aller plus loin dans cette direction. Nous aurons donc également besoin de Lokad pour des solutions à ce sujet.
Conor Doherty: Je verrai ce que je peux faire à propos de toutes ces questions. Merci beaucoup pour votre temps. Je n’ai plus de questions. Passez un excellent salon du Bourget.