00:00:07 Introduction et contexte de Pierre Khoury et Shippeo.
00:01:25 Visibilité en temps réel dans les supply chains et son importance.
00:02:59 La technologie de Shippeo et son fonctionnement en pratique.
00:04:00 L’impact de la visibilité en temps réel sur la prise de décision dans les supply chains.
00:07:03 Les défis techniques rencontrés par Shippeo et comment ils sont surmontés.
00:10:01 La prise en compte de divers enjeux pour l’algorithme d’estimation des temps d’arrivée.
00:11:07 Les avantages de données granulaires en temps réel pour l’efficacité de la supply chain.
00:12:55 La nécessité de la granularité dans les données de la supply chain et l’identification des problèmes potentiels.
00:15:14 Briser les silos dans la supply chain grâce au partage d’informations.
00:16:30 L’approche de la compagnie de transport et les avantages pour les parties prenantes.
00:17:19 Les défis de la prévision et de l’optimisation sans visibilité en temps réel.
00:18:35 L’avenir de la visibilité en temps réel et des actions correctives tactiques.
00:19:56 La visibilité en temps réel en tant que sujet phare de la supply chain et la création de valeur par le partage des données.
Résumé
Dans cette interview, Kieran Chandler s’entretient avec Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, et Pierre Khoury, CEO de Shippeo, au sujet de l’importance de la visibilité en temps réel dans les supply chains. Vermorel souligne la nécessité d’une optimisation basée sur des mesures précises, tandis que Khoury met en avant la technologie de Shippeo qui agrège des données et des points GPS pour déterminer les temps d’arrivée estimés. La visibilité en temps réel permet une meilleure prise de décision et peut aider à atténuer les problèmes potentiels. Malgré les défis techniques, Vermorel et Khoury s’accordent sur la valeur des données en temps réel pour le suivi des actifs et pour éviter des disruptions. Le partage de données par Shippeo vise à briser les silos et à améliorer l’efficacité dans l’ensemble de la supply chain.
Résumé étendu
Dans cette interview, l’animateur Kieran Chandler s’entretient avec Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, une entreprise de logiciels spécialisée dans l’optimisation de la supply chain, et Pierre Khoury, CEO et co-fondateur de Shippeo, un leader européen de la visibilité dans les supply chains. Ils discutent de l’importance de la visibilité en temps réel dans les supply chains, des défis rencontrés et de la manière dont la technologie est utilisée pour résoudre ces problèmes.
Pierre Khoury commence par partager son parcours en tant qu’ingénieur, son expérience en finance et la fondation de Shippeo il y a quatre ans. L’objectif de l’entreprise était d’apporter une visibilité en temps réel au transport routier, qui était une boîte noire depuis 40 ans. Shippeo compte désormais 70 employés et est le leader en Europe dans le suivi du transport routier à travers le continent.
Joannes Vermorel explique que la règle fondamentale de l’optimisation est que l’on ne peut pas optimiser ce que l’on ne mesure pas. Les supply chains sont difficiles à optimiser car elles sont très dispersées et réparties sur plusieurs continents. Historiquement, on suivait des éléments statiques, comme ce que l’on trouve dans les entrepôts. Cependant, les supply chains impliquent le suivi d’éléments en mouvement tels que les camions et les expéditions. La visibilité en temps réel est cruciale pour accéder à ces informations sans attendre des jours avant que les données n’atteignent le siège, permettant ainsi une meilleure optimisation.
Pierre Khoury détaille le fonctionnement de la technologie de Shippeo en pratique. L’entreprise a développé plus de 150 connecteurs vers divers systèmes, tels que les systèmes de télématique et de répartition pour les transporteurs, ainsi que des applications mobiles pour les petits transporteurs. Shippeo agrège des données et des points GPS toutes les trois à cinq minutes, quelle que soit la source, puis utilise des analyses prédictives pour déterminer les temps d’arrivée estimés.
Joannes Vermorel souligne l’importance de la visibilité en temps réel dans une optique d’optimisation de la supply chain. Connaître l’état des expéditions permet une meilleure prise de décision, par exemple pour déterminer s’il faut acheter davantage ou changer de fournisseur. Par exemple, si l’on s’attend à ce qu’un fournisseur livre des produits en dix jours mais que l’expédition est retardée, le suivi en temps réel via Shippeo peut aider à identifier le problème et permettre des stratégies de mitigation, telles que passer une commande d’urgence auprès d’un fournisseur différent pour éviter des retards de production.
La visibilité en temps réel dans les supply chains est essentielle pour une meilleure optimisation et prise de décision. La technologie de Shippeo contribue à résoudre le problème de longue date du suivi des éléments en mouvement dans le transport routier, permettant aux entreprises de faire des choix plus éclairés et de pallier les problèmes potentiels.
Joannes Vermorel explique que le principal défi auquel ils font face est la quantité limitée d’informations reçues des systèmes transactionnels tels que les ERPs, les WMS et les systèmes de gestion des commandes. Ces systèmes ne fournissent pas d’informations sur ce qui se passe après l’envoi d’une commande, créant ainsi de l’incertitude dans la supply chain. Il pense que, bien que les approches probabilistes continueront d’exister, l’incertitude peut être grandement réduite grâce aux données en temps réel provenant d’entreprises comme Shippeo.
Pierre Khoury aborde les défis techniques auxquels ils sont confrontés, tels que la connexion à plus de 150 systèmes différents, l’assurance d’un flux de données stable et cohérent pour des millions de points GPS, la gestion du changement dans une industrie du transport lente à s’adapter, et le maintien de data pipelines de haute qualité. Il souligne l’importance de prendre en compte des facteurs tels que le trafic, les pauses des conducteurs, les temps de chargement et de déchargement, et la météo pour créer des temps d’arrivée estimés précis.
Vermorel et Khoury s’accordent sur la grande valeur des données en temps réel dans les supply chains, car elles permettent aux entreprises de suivre des actifs physiques coûteux et d’éviter des retards ou disruptions onéreux. Vermorel souligne que, même si les actifs eux-mêmes ne sont pas coûteux, leur disponibilité ou indisponibilité peut avoir un impact significatif sur la supply chain.
Khoury donne l’exemple de la manière dont les données en temps réel de Shippeo ont aidé un client lors des manifestations des Yellow Jackets en France, leur permettant de repositionner leurs camions et d’éviter des livraisons coûteuses par hélicoptère ou avion. Il mentionne également que le niveau de granularité de leurs données, avec des mises à jour toutes les trois à cinq minutes, peut s’avérer bénéfique pour toutes les parties impliquées dans la supply chain, y compris les entrepôts, les clients, les équipes de transport et de service client.
Vermorel explique que des problèmes surviennent fréquemment aux frontières des supply chains, où des retards peuvent se produire pour diverses raisons, telles que des marchandises non récupérées à temps ou des problèmes de communication entre différents systèmes. Il souligne l’importance des délais d’approvisionnement, qui peuvent fournir des informations précieuses pour l’optimisation des processus de la supply chain. Vermorel note que, bien que les données en temps réel soient importantes, l’analyse n’a pas nécessairement besoin de rester au niveau de la minute ; par exemple, l’optimisation à l’échelle du réseau pourrait impliquer une réflexion en termes de jours plutôt que de minutes.
Khoury ajoute que les supply chains sont intrinsèquement composées de plusieurs acteurs, qui adoptent souvent une approche cloisonnée de l’information. En partageant des informations en temps réel sur le transport, Shippeo vise à briser ces silos et à améliorer l’efficacité globale. Il donne l’exemple de la manière dont des informations actualisées à la minute peuvent contribuer à réduire les temps d’attente dans les entrepôts, entraînant ainsi des coûts de transport moindres et une meilleure productivité pour toutes les parties impliquées.
Interrogé sur les principaux clients de Shippeo, Khoury explique que leur objectif principal est orienté vers les expéditeurs, car ce sont eux qui tirent le plus de bénéfices de la solution et qui peuvent en favoriser l’adoption dans l’ensemble de la supply chain. Le système est fourni gratuitement aux transporteurs et autres parties prenantes afin d’encourager une participation généralisée.
Vermorel souligne l’importance de la visibilité en temps réel dans l’optimisation de la supply chain, expliquant qu’elle peut aider à éliminer une grande partie de l’incertitude qui complique la prise de décision. Les approches probabilistes peuvent être utiles pour gérer l’incertitude, mais la réduire autant que possible reste fortement souhaitable. Il envisage que Lokad puisse offrir des décisions de supply chain plus efficaces à différents niveaux, allant des commandes d’achat à long terme aux réponses tactiques d’urgence.
Khoury conclut en soulignant l’intérêt croissant pour la visibilité en temps réel dans les supply chains, Gartner la classant parmi les sujets principaux. Il estime que le partage d’informations avec d’autres systèmes peut créer une valeur ajoutée et favoriser un écosystème collaboratif qui bénéficie à tous les acteurs de la supply chain.
Transcription complète
Kieran Chandler: Aujourd’hui, je suis ravi de vous annoncer que nous avons avec nous Pierre Khoury, CEO et co-fondateur de Shippeo, qui va nous parler à la fois des aspects positifs et des défis de la visibilité en temps réel dans les supply chains. Pierre, merci beaucoup de nous avoir rejoints. Pierre Khoury: Merci, Kieran. Je suis très heureux d’être ici. Kieran Chandler: Bien. Pourrais-tu commencer par nous parler un peu de ton parcours et nous expliquer comment Shippeo est né ? Pierre Khoury: Oui, par formation, j’étais ingénieur, puis je me suis tourné vers la finance où j’ai co-fondé un fonds de capital-investissement. Ensuite, il y a quatre ans, nous avons lancé Shippeo dans le but d’apporter une visibilité en temps réel sur le transport, en particulier le transport routier, qui était une boîte noire depuis 40 ans. Aujourd’hui, Shippeo est une entreprise de 70 employés et nous sommes le leader en Europe dans le suivi du transport routier à travers le continent. Kieran Chandler: Et, comme toujours, ce n’est pas LokadTV sans Joannes Vermorel. Alors, Joannes, peux-tu nous en dire un peu plus sur ce qu’est la visibilité en temps réel dans les supply chains ? Joannes Vermorel: La règle cardinale de l’optimisation est que l’on ne peut pas optimiser ce que l’on ne mesure pas. Donc, si quelque chose reste opaque pour vous, vous n’avez aucune chance d’optimiser quoi que ce soit. Dans les supply chains, c’est très difficile car elles sont très distribuées, avec des éléments répartis sur plusieurs continents. Historiquement, on a commencé à suivre ce qui ne bougeait pas, comme ce que l’on trouve dans les entrepôts. Mais la problématique actuelle, c’est que les supply chains concernent avant tout les éléments en mouvement, comme les camions et les expéditions. La visibilité en temps réel consiste à accéder à ces informations sans devoir attendre des jours pour que les données parviennent au siège. C’est un défi, car si vous ne le faites pas correctement, vous perdez l’opportunité d’optimiser simplement parce que l’information arrive trop tard. Kieran Chandler: D’accord, voilà donc en gros la théorie qui la sous-tend. Pierre, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur la manière dont cela fonctionne concrètement ? Comment la technologie fonctionne-t-elle chez Shippeo ? Pierre Khoury: Comme je l’ai dit, cela constituait un défi non résolu depuis 40 ans. Nous nous sommes donc organisés pour d’abord résoudre l’hétérogénéité des systèmes informatiques des transporteurs. Nous avons développé plus de 150 connecteurs avec divers types de systèmes, tels que les systèmes de télématique et de répartition pour les transporteurs, ainsi que notre application mobile pour les petits transporteurs. Nous agrégons des données et des points GPS toutes les trois à cinq minutes, quelle que soit la source, puis nous appliquons des analyses prédictives, notamment pour estimer les temps d’arrivée. Kieran Chandler: Et Joannes, pourquoi cela intéresse-t-il du point de vue de Lokad ? Pourquoi est-ce intéressant ? Joannes Vermorel: Pour nous, lorsque nous devons décider si nous voulons acheter davantage ou, au contraire, acheter auprès d’un autre fournisseur afin d’optimiser cette décision, cela dépend de ce que vous avez ou de ce que vous aurez probablement dans un certain délai. Kieran Chandler: Par exemple, si vous constatez qu’un fournisseur peut livrer des produits en dix jours, mais qu’il aura un retard de cinq jours, et grâce à Shippeo, vous le savez déjà car le suivi indique que le camion a à peine bougé ces derniers jours. Qu’est-ce que cela signifie ? Joannes Vermorel: Cela signifie que, peut-être, vous pouvez décider d’atténuer ce qui deviendrait un incident de production – ou votre usine s’arrêterait faute de matières premières – en passant une commande d’urgence auprès d’un fournisseur qui serait peut-être plus cher mais très proche et capable de livrer ce dont vous avez besoin dès le lendemain. Mais pour disposer de mesures d’intervention d’urgence ultra-agiles, il vous faut ces données. Pour nous, le grand défi est que, souvent, tout ce que nous recevons provient de systèmes transactionnels comme les ERPs, les WMS ou les systèmes de gestion des commandes, qui ne fournissent aucune information sur ce qui se passe après l’envoi d’une commande. Kieran Chandler: Alors, est-ce que cela remplacerait l’approche probabiliste que nous adoptons pour les délais d’approvisionnement ? Est-ce que cela serait complètement éliminé si nous avions des clients utilisant Shippeo ?
Joannes Vermorel: Je pense que les approches probabilistes resteront car, si vous êtes à mi-parcours d’une livraison censée prendre quelques jours, alors qu’au premier jour il subsiste un certain degré d’incertitude pour les quatre jours restants, cette incertitude peut être grandement réduite au fil du temps. Ce qui est intéressant avec Shippeo, c’est que si vous avez quelque chose censé prendre cinq jours pour le transport, comme traverser toute l’Europe, au quatrième jour, si votre camion se trouve là où vous vous y attendez, l’incertitude résiduelle est presque nulle. En revanche, sans Shippeo, on est au quatrième jour et nous ne savons rien de plus que ce que nous savions au jour zéro, car le camion n’est pas encore arrivé, c’est sûr, mais quant à savoir s’il y aura un retard, nous l’ignorons. Ainsi, nous restons face à une situation très incertaine, alors qu’avec Shippeo, au quatrième jour d’une livraison censée prendre cinq jours, il ne reste presque aucune incertitude, ce qui est excellent et conduit à une meilleure optimisation simplement grâce à la réduction de l’incertitude.
Kieran Chandler: Donc, c’est essentiellement question de raffiner ces probabilités. Pierre, pourrais-tu m’en dire un peu plus sur certains des défis techniques auxquels vous êtes confronté ? Je veux dire, lorsqu’on travaille en temps réel, ce n’est pas très simple. Quels sont les défis en place à ce sujet ?
Pierre Khoury: Bien sûr, je dirais qu’il y a trois défis principaux. Le premier, d’un point de vue technique, consiste à connecter plus de 150 systèmes différents et à les rassembler dans un modèle de données canonique unique en temps réel, avec un flux de données stable et cohérent pour des millions de points GPS chaque jour. Le deuxième défi concerne la gestion du changement. Le transport évolue généralement très lentement, et il est difficile de faire changer les choses, d’intégrer les transporteurs, les utilisateurs, de les former et d’obtenir les résultats escomptés. Le troisième défi porte sur la qualité des données et sur l’établissement des règles adéquates pour les collecter afin d’obtenir quelque chose de cohérent et de haute qualité.
Kieran Chandler: Joannes, serais-tu d’accord pour dire qu’il y a un réel besoin pour ces données ? Il semble qu’aujourd’hui, tant de données sont collectées. En a-t-on vraiment besoin dans les supply chains ? Je veux dire, je pourrais éternuer et quelqu’un quelque part collecterait ces données. En a-t-on vraiment besoin dans les supply chains ? Ce sont des données d’une valeur énorme. Nous ne parlons pas de tweets aléatoires ; il s’agit de camions, et un camion transporte généralement pour plusieurs centaines de milliers d’euros de marchandises. Si vous transportez de l’électronique ou tout autre objet important – en supposant que vous ne transportiez pas de la terre, de la boue ou du sable – ce que vous déplacez dans ces supply chains est extrêmement précieux. Alors, est-il logique de collecter ces données ?
Joannes Vermorel: Oui, cela a du sens car vous suivez des actifs qui valent littéralement des tonnes d’argent. Vous vous trouvez souvent dans des situations hautement asymétriques où, peut-être, ce que vous livrez n’est pas si cher – de simples petites pièces au prix du métal. Mais si vous ne les avez pas, et qu’une usine entière s’arrête, alors des centaines de personnes se retrouvent dans l’incapacité de travailler, simplement parce que vous êtes en attente jusqu’à la réception de ces pièces de rechange. Les données sont incroyablement précieuses car elles peuvent être associées à des actifs physiques coûteux, et même si ces derniers ne sont pas chers en eux-mêmes, leur disponibilité ou leur indisponibilité peut entraîner des coûts très élevés ultérieurement pour d’autres éléments de vos supply chains.
Kieran Chandler: Alors, où tire-t-on la ligne quant aux données que vous collectez réellement ? Il est évident qu’il est utile de savoir où se trouve un camion à un moment donné, mais surveillez-vous les rapports de trafic ? Prenez-vous même en considération la météo ? Où établissez-vous la limite ?
Pierre Khoury: Nous devons prendre en compte tous ces éléments pour obtenir un temps d’arrivée estimé fiable, en considérant le trafic, les pauses pour les conducteurs, les temps de repos légaux ainsi que les schémas de chargement et de déchargement. Nous intégrons tout cela dans notre algorithme de machine learning afin d’obtenir quelque chose de fiable. Je pense que nous construisons l’un des meilleurs algorithmes de temps d’arrivée estimé en Europe. Pour reprendre l’exemple de Joannes, un de nos clients nous a envoyé un email de remerciement en décembre à cause des protestations des Yellow Jackets. La circulation ne suivait pas son cours habituel, mais ils ont su l’anticiper, repositionner leurs camions et atténuer le risque dans leur plan de production. Ils n’ont ressenti aucun impact des protestations et, au contraire, ils auraient pu être contraints d’utiliser des livraisons par hélicoptère ou avion pour leurs produits à un coût très élevé. C’est un bel exemple de la valeur que nous apportons.
Kieran Chandler: Les Yellow Jackets représentent assurément un exemple très spécifique. Vous avez mentionné que vous bénéficiez d’une granularité des mises à jour de données toutes les trois à cinq minutes, est-ce exact ?
Pierre Khoury: Oui, c’est exact. La nouvelle frontière que nous ouvrons concerne les données en temps réel, grâce aux points GPS. Nous collectons des données toutes les trois à cinq minutes, selon le système du transporteur. C’est très granulaire et cela nous permet d’observer de nombreux éléments, tels que les temps de chargement, les temps de déchargement et les problèmes pouvant survenir en cours de route. Ces données sont précieuses pour toutes les parties, car l’idée n’est pas d’en restreindre l’accès, mais de les partager selon des règles appropriées et d’accorder l’accès à d’autres parties, telles que l’entrepôt, le client final, l’équipe de transport et le service client. Au final, tout le monde peut être plus productif et efficace parce qu’il sait ce qui va se passer. J’aimerais mentionner Amazon car, en fin de compte, tous les clients, même pour des livraisons B2B, souhaitent vivre la même expérience qu’avec un colis Amazon B2C.
Kieran Chandler: Merci, Amazon est sans doute le premier nom que nous évoquons chaque semaine. Quand nous ne parlons pas de délais en minutes, nous parlons plutôt en termes d’heures, voire de jours. Ce niveau de granularité n’est-il pas un peu excessif ? Avons-nous vraiment besoin d’un tel niveau de détail ?
Joannes Vermorel: Oui, car souvent, surtout dans le transport, nous n’en avons pas besoin pour tout, mais dans ce domaine, il faut estimer le nombre de problèmes qui peuvent survenir dans la supply chain aux frontières. Par exemple, une livraison peut être effectuée vers un entrepôt, puis la marchandise n’est prélevée que le lendemain ou huit heures plus tard. Beaucoup de choses peuvent se produire aux frontières. La plupart du temps, les marchandises ne bougent pas ou ne subissent pas de transformation. Ainsi, ces délais très courts font sens, du point de vue de la supply chain. Nous ne cherchons pas à obtenir des mesures en sous-millisecondes comme si nous essayions d’optimiser la distribution de paquets sur Internet. La granularité se situe plutôt autour de quelques minutes, ce qui est logique lorsqu’une opération physique doit se dérouler.
Et en effet, une fois ces informations obtenues, nous pouvons détecter de nombreux éléments, mais cela ne signifie pas que toutes les analyses resteront au niveau de la minute. Par exemple, si vous essayez d’optimiser et de compresser des délais qui s’étendent sur plusieurs semaines, vous disposez de mesures en minutes qui vous permettront de repérer une multitude de détails, probablement des schémas légèrement dysfonctionnels, notamment aux frontières des systèmes. Le principal problème dans les supply chains survient lorsque quelque chose passe d’un système à un autre, qu’il s’agisse d’un logiciel, d’une entreprise ou d’équipes. C’est à ce moment que se créent des décalages, puis surviennent des retards accidentels. Vous pouvez les éliminer et, typiquement, lorsque vous souhaitez effectuer une optimisation à l’échelle du réseau, vous passez à une approche où l’on pense en termes de jours plutôt qu’en minutes. Mais cela dépend réellement du type de problème.
Pierre Khoury: Pour compléter ce qu’a dit Joannes, par définition, la supply chain est une chaîne, ce qui signifie qu’il existe plusieurs acteurs au sein de celle-ci, et qu’aujourd’hui ces acteurs fonctionnent de manière très cloisonnée en termes d’information. Ce que nous faisons, c’est partager l’information sur le transport afin que tous les acteurs aient les bonnes données et pour briser ces silos afin d’optimiser. Et oui, il est parfois crucial d’avoir des informations à jour à la minute près. Par exemple, savoir que dans un entrepôt il y a deux heures d’attente lors du chargement et deux heures lors des livraisons. Grâce à l’information sur l’emplacement d’un camion et son heure d’arrivée, vous pouvez réduire cela jusqu’à 50 % et diminuer les temps d’attente, ce qui signifie moins de coûts de transport, moins de coûts de stocks, et une productivité accrue pour tous. C’est pareil pour les transporteurs, car ils n’attendent pas pour rien. Nous pensons que ce type d’exemple illustre bien une situation gagnant-gagnant-gagnant pour tout le monde.
Kieran Chandler: Parlons de ces différents acteurs qui interviennent le long de la chaîne. Sur qui devons-nous mettre l’accent ? Qui devrait être le client principal de Shippeo ? Est-ce le détaillant qui passe réellement commande des stocks, ou bien les sociétés de transport elles-mêmes ?
Pierre Khoury: Notre modèle repose sur l’approche de l’expéditeur. Nous pensons que c’est cet acteur qui récoltera l’un des principaux bénéfices et qui poussera la solution vers le changement. Ainsi, notre client est l’expéditeur, et le système est gratuit pour toutes les parties prenantes, y compris le transporteur. Le système est 100 % gratuit pour les transporteurs, et nous nous efforçons de…
Kieran Chandler: Pour impliquer autant d’acteurs que possible. D’accord, très bien. Et Joannes, nous allons commencer à conclure un peu aujourd’hui. Outre les temps de cycle, pourquoi y a-t-il autant d’intérêt à se pencher sur ce sujet ? Je veux dire, comment voyez-vous ces deux outils fonctionner aussi bien ensemble ?
Joannes Vermorel: Actuellement, nous faisons souvent, je dirais, des suppositions farfelues concernant l’état que nous cherchons à optimiser. Oui, nous mesurons autant que possible en récupérant les stocks que nous avons, mais la réalité est que toutes ces choses commandées, où vous avez des quantités en commande ou dispersées entre différents lieux, restent très souvent opaques. Cela complique inutilement les choses, car cela nous oblige à estimer l’état du système. Non seulement cela complique la modélisation, mais cela rend également l’optimisation moins efficace. Plus l’incertitude est grande, plus vous avez besoin d’une approche probabiliste pour tenir le coup, numériquement parlant. Cependant, cela ne signifie pas que l’incertitude est souhaitable. Surtout lorsqu’on a la possibilité d’éliminer presque toute l’incertitude en disposant de quelque chose qui reste probabiliste mais bien plus compressé, tout devient plus facile. Il existe toute une catégorie d’actions correctives, des actions super tactiques, qui ne sont possibles que dans ces conditions. Fréquemment, à l’heure actuelle, il pourrait y avoir des actions correctives que nous pourrions théoriquement proposer aux clients avec très peu d’effort, étant donné que nous avons déjà intégré des données provenant de leurs ERP et de bien d’autres sources. Mais en l’absence d’un statut en temps réel sur les livraisons, nous ne pouvons pas effectuer ces optimisations ni générer des suggestions correctives. À l’avenir, je vois de plus en plus de capacités pour Lokad à fournir des décisions de supply chain optimisées à de nombreux niveaux, certaines pour un bon de commande en Asie, et d’autres étant très tactiques, telles que le replenishment d’urgence nécessaire en passant commande dès maintenant à un fournisseur local, bien que beaucoup plus onéreux pour une petite quantité qui vous aidera à surmonter le retard.
Kieran Chandler: D’accord, nous laisserons la dernière parole à Pierre, notre invité. Quelle est la leçon essentielle que vous souhaitez que les gens retiennent concernant la visibilité en temps réel dans les supply chains ?
Pierre Khoury: Je tiens à dire que je pense que la visibilité en temps réel est l’un des sujets les plus brûlants dans les supply chains de nos jours. Ce n’est pas seulement moi qui le dis ; Gartner l’a classé parmi les sujets principaux. Cette intervention est très intéressante pour voir comment nous pouvons créer de la valeur en nous combinant avec d’autres. Notre mission chez Shippeo est réellement de nous concentrer sur la visibilité en temps réel, l’agrégation des données et la fourniture d’insights prédictifs à ce sujet. Mais nous constatons que, si nous partageons l’information avec d’autres systèmes – bien sûr, avec l’approbation de l’expéditeur – cela crée un niveau de valeur supplémentaire. Ce type d’écosystème est ce par quoi nous aimons apporter de la valeur aux clients et à la supply chain mondiale.
Kieran Chandler: D’accord, nous allons devoir en rester là, mais merci pour votre temps ce matin.
Pierre Khoury: Merci beaucoup.
Kieran Chandler: C’est tout pour cette semaine. Merci de nous avoir suivis, et nous reviendrons la semaine prochaine avec un nouvel épisode. D’ici là, merci de nous avoir regardés.