00:00:00 Introduction et parcours de Sim en data science et en analytique supply chain.
00:02:00 Aperçu des prévisions et des séries temporelles en tant qu’approche courante dans la gestion de la supply chain.
00:06:26 Introduction aux prévisions probabilistes et à leur différence par rapport aux prévisions ponctuelles.
00:08:10 L’expérience de Sim avec les prévisions probabilistes et la résolution des défis concrets en entreprise.
00:09:15 Discussion sur les limites des prévisions ponctuelles et sur les avantages des prévisions probabilistes dans la gestion des risques.
00:11:39 Discussion sur la régression quantile et sa pertinence pour la gestion des stocks.
00:14:20 Transition vers les prévisions probabilistes et leurs avantages.
00:16:37 Comparaison entre les prévisions probabilistes et les méthodes traditionnelles ainsi que leurs limites.
00:17:37 Le développement des prévisions probabilistes dans différentes industries.
00:19:00 Comment les prévisions probabilistes simplifient la gestion des stocks comparé à l’approche classique.
00:23:07 Discussion sur l’approche de prévision par quantiles et ses défis.
00:24:26 Environnement contraint dans les entreprises et dans les supply chains.
00:25:58 Introduction aux prévisions probabilistes pour une meilleure prise de décision.
00:27:56 Aborder les défis de la supply chain grâce aux prévisions probabilistes.
00:30:41 Mise en œuvre des prévisions probabilistes dans de grandes entreprises établies.
00:34:10 L’importance de la refonte organisationnelle pour adopter un nouveau système.
00:36:02 Approche traditionnelle de résolution des conflits entre plusieurs contraintes.
00:38:31 Les défis associés au lâcher-prise des méthodes de prévision traditionnelles.
00:41:00 Comment re-prioriser et restructurer les ressources.
00:42:33 La valeur potentielle d’adopter les prévisions probabilistes.
00:45:30 Encourager les entreprises à franchir le pas avec les nouvelles technologies.
00:46:55 Passer d’Excel à des outils plus avancés dans la gestion de la supply chain.
00:48:30 Dépendance à l’égard d’ingénieurs qualifiés pour des outils avancés en supply chain.
00:50:06 Faire confiance aux recommandations des nouveaux systèmes.
00:53:00 L’importance d’une connaissance combinée de la supply chain et de la data science.
00:56:49 Créer une entité de data science inter-départementale.
00:59:42 Discussion sur la future structure de l’analytique des données et son intégration dans les divisions.
01:02:16 Les bénéfices d’avoir une organisation unique de data science.
01:04:01 L’importance de comprendre la supply chain lors de la mise en œuvre de nouvelles technologies.
01:05:38 Comparaison des prévisions probabilistes avec des technologies plus complexes comme le deep learning.
01:08:16 L’importance de la logique de réapprovisionnement et sa relation avec les prévisions.
01:10:34 Les défis pour convaincre les responsables de supply chain d’adopter une nouvelle approche.
01:12:05 L’expérience de Sim avec les prévisions probabilistes et leurs bénéfices.
01:15:01 Anecdote d’application de la prévision par quantiles chez un grand détaillant canadien.
01:19:35 Discussion sur les décisions sous-optimales en entreprise et une meilleure prise de décision.
01:21:14 L’importance de décisions basées sur le ROI pour les cas particuliers.
01:22:18 Appel à l’action : adopter de nouveaux concepts et approches dans la gestion de la supply chain.
01:23:25 Espoirs pour un scénario de commande et de réapprovisionnement plus optimal à l’avenir.
Résumé
Dans cette interview, Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, et Sim Taylor, Directeur de l’Analytics et Data Science chez Petco, discutent de l’importance des prévisions probabilistes dans l’optimisation de la supply chain. Ils expliquent qu’il s’agit d’assigner des probabilités à divers scénarios, permettant une meilleure gestion des stocks et prise de décision. Malgré les défis de la mise en œuvre des prévisions probabilistes dans de grandes organisations, ils encouragent les directeurs de supply chain à adopter de nouveaux concepts et à aller au-delà des approches traditionnelles. Ils soulignent également l’importance de faire confiance aux data scientists et la nécessité de professionnels qui comprennent à la fois les défis de la supply chain et les aspects techniques.
Résumé Étendu
Dans cette interview, l’animateur Conor Doherty s’entretient avec Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, et Sim Taylor, Directeur de l’Analytics et Data Science chez Petco. Ils discutent de l’importance des prévisions probabilistes dans l’optimisation de la supply chain.
Sim Taylor partage son parcours en data science et analytique, travaillant principalement dans l’analyse de marchandises et de supply chain. Il explique que son travail vise à utiliser les données et les statistiques pour mieux orienter les produits vers leurs destinations prévues dans la supply chain afin de maximiser les résultats financiers.
Lorsqu’on évoque les prévisions, Taylor la décrit comme une inférence ou une prédiction d’un résultat futur à l’aide d’informations historiques et d’autres points de données. Vermorel est d’accord, ajoutant que la prévision par séries temporelles est une pierre angulaire de la théorie classique de la supply chain, mais il insiste sur le fait qu’elle n’est qu’une des nombreuses approches pour envisager l’avenir.
Le débat se porte sur les prévisions probabilistes, qui consistent à attribuer des probabilités ou des chances à plusieurs scénarios possibles. Taylor partage son expérience en utilisant la régression quantile dans les prévisions, qui vise à prédire les événements extrêmes et à aider à prévenir les ruptures de stock. Cette méthode consiste à résoudre directement pour un taux de service spécifique, permettant aux entreprises de fixer les niveaux de stock sans se fier à des calculs de stock de sécurité potentiellement erronés.
Taylor explique que l’approche classique de la gestion des stocks consiste à prédire le résultat le plus probable (prévision) et à tenir compte de la variabilité en ajoutant un stock de sécurité. Les prévisions probabilistes, quant à elles, estiment directement le stock total nécessaire pour couvrir le risque de rupture de stock. Taylor aborde également les défis liés à la détermination du quantile extrême approprié de la demande et à l’équilibre entre les besoins des clients, les aspects financiers et les coûts de stocks.
Les intervenants discutent des avantages des prévisions probabilistes dans des environnements contraints, tels que des budgets limités ou des quantités de commande minimales. Taylor note que les prévisions probabilistes peuvent aider les entreprises à prendre des décisions claires entre des besoins concurrents en comprenant la probabilité de vendre chaque unité supplémentaire et la valeur financière qu’elle apporterait.
La discussion met en lumière les défis auxquels les organisations sont confrontées lorsqu’elles tentent de mettre en place des prévisions probabilistes, en particulier lorsqu’il s’agit de modifier les processus établis et les divisions du travail. Sim Taylor partage son expérience dans la mise en œuvre de l’approche de prévision quantique, qui nécessite une compréhension approfondie et une responsabilité de l’exécution de la supply chain. La prévision sert de moyen pour atteindre un objectif, en se concentrant sur l’amélioration de la satisfaction client, des ventes et sur la minimisation des coûts.
Sim Taylor souligne l’importance d’automatiser la lourde charge mathématique dans les prévisions et les quantités de commande, tout en reconnaissant néanmoins la valeur de l’intuition humaine et de l’expertise des responsables de supply chain expérimentés. Il suggère que les entreprises peuvent repenser leurs organisations pour optimiser l’utilisation de leur personnel expérimenté, ce qui peut impliquer de modifier leurs rôles et de se fier aux recommandations du système.
Joannes Vermorel insiste sur le défi de se défaire des prévisions traditionnelles et de leurs KPI associés, car les prévisions probabilistes détournent l’attention de la précision des prévisions pour se concentrer sur les décisions opérationnelles qu’elles permettent. Il demande à Sim Taylor son point de vue sur la manière dont les entreprises peuvent re-prioriser et restructurer leurs ressources pour s’adapter à ce changement.
Sim Taylor reconnaît la difficulté de mettre en œuvre les prévisions probabilistes dans de grandes organisations réticentes au risque. Il suggère que le succès peut être atteint progressivement, en proposant d’abord des outils plus simples et plus rapides, puis en démontrant la valeur de la nouvelle approche. Cela peut impliquer de trouver un cas d’usage ou une entreprise prête à sauter le pas et à mesurer les résultats commerciaux. Dans l’ensemble, la conversation met en avant les bénéfices potentiels de l’adoption des prévisions probabilistes, tout en reconnaissant les défis qu’elles posent aux organisations établies.
La conversation aborde la nécessité de démontrer le succès pour encourager l’adoption de nouvelles technologies et approches. Vermorel exprime ses inquiétudes quant aux limites d’Excel et au besoin d’outils plus avancés pour gérer l’incertitude. Taylor reconnaît l’utilisation d’Excel par les acteurs de la supply chain mais souligne que de nombreuses décisions sont prises par un système qui est souvent une “black box” pour ses utilisateurs.
Taylor et Vermorel soulignent tous deux l’importance de faire confiance aux data scientists et la nécessité de professionnels qui comprennent les défis de la supply chain et qui peuvent travailler avec du code pour automatiser les décisions de manière intelligente. Taylor suggère de trouver des personnes alliant une compréhension de la supply chain et une inclination technique. Vermorel ajoute qu’à l’avenir, il envisage l’intégration de la data science dans chaque division d’une entreprise, avec des analystes spécialisés dans leurs domaines respectifs.
Sim Taylor insiste sur l’importance de fournir une valeur tangible dans la gestion de la supply chain, quel que soit le titre ou le rôle de chacun. Il estime que combiner l’expertise technique avec la connaissance du business est crucial pour obtenir des résultats financiers positifs. La conversation aborde également la valeur de la collaboration entre experts en analytique de différents domaines, ainsi que l’importance d’être connecté au business pour obtenir des résultats significatifs.
Joannes Vermorel met en avant les bénéfices pratiques des prévisions probabilistes dans la gestion de la supply chain, par opposition à des innovations techniques plus pointues comme le deep learning. Les prévisions probabilistes visent à créer de la valeur en abordant le problème de l’incertitude de manière radicalement différente.
Sim Taylor aborde également l’importance de la logique de réapprovisionnement et comment elle est cruciale pour prendre des décisions dans la gestion de la supply chain. Il estime que se concentrer sur la valeur de la supply chain est essentiel, et que la conversation devrait se focaliser sur la manière dont les décisions conduisent aux meilleurs résultats.
Taylor et Vermorel conviennent tous deux que partager des cas d’usage et des histoires de succès est important pour instaurer la confiance avec les entreprises et démontrer la valeur des prévisions probabilistes. Taylor partage un exemple de collaboration avec un grand détaillant canadien, où l’application d’une approche de prévision par quantiles a conduit à des améliorations dans la disponibilité des stocks et la gestion des stocks.
Taylor souligne que la supply chain est un univers rempli de contraintes, et que les cas particuliers peuvent conduire à des résultats sous-optimaux. L’objectif est d’utiliser des informations supplémentaires pour éclairer des décisions plus optimales nécessitant moins d’efforts. Un exemple qu’il donne est de décider s’il faut commander un camion complet auprès d’un fournisseur lorsqu’une seule partie est nécessaire. La capacité à évaluer la valeur de chaque unité, la probabilité de la vendre, ainsi que la marge potentielle et les coûts de détention permet une meilleure prise de décision dans de tels cas.
Vermorel et Taylor encouragent les directeurs de supply chain à évaluer et à adopter de nouveaux concepts, tels que les prévisions probabilistes, et à aller au-delà des approches traditionnelles utilisées depuis des décennies. Ils espèrent qu’en partageant des exemples de réussite, ils pourront accélérer la conversation et aider les entreprises à prendre des décisions plus optimales en matière de commande et de réapprovisionnement.
Transcription complète
Conor Doherty: Bon retour sur Lokad TV. Je suis votre animateur, Conor, et comme toujours, je suis rejoint par Joannes Vermorel, fondateur de Lokad. Aujourd’hui, nous parlons avec Sim Taylor. Il est le Directeur de l’Analytics et Data Science chez Petco, une entreprise assez importante, et il va nous parler des mérites des prévisions probabilistes. Tim, bienvenue sur Lokad.
Sim Taylor: Bonjour, merci beaucoup de m’accueillir, Conor et Joannes. Pour vous donner un peu de contexte sur mon parcours : je dirige des équipes de data science et d’analytics, spécialisées dans l’analyse de marchandises et de supply chain. Une grande partie de ma carrière s’est faite du point de vue du conseil. J’ai travaillé avec Deloitte pendant de nombreuses années au sein de leurs équipes supply chain au Royaume-Uni et au Canada, et dans la seconde moitié de cette période, je me suis concentré sur la construction de modèles pour aider les entreprises à optimiser leurs stocks. Essentiellement, mon travail consiste à utiliser les données et les statistiques pour mieux orienter les produits vers leurs différents emplacements dans la supply chain, qu’il s’agisse de centres de fulfillment, de magasins ou de clients, dans les bonnes quantités au bon moment pour satisfaire les clients et maximiser les résultats financiers. J’ai collaboré avec une variété d’entreprises, principalement des grands magasins et des détaillants de marchandises générales, généralement avec un grand nombre de produits, une large gamme et un grand portefeuille de stocks, avec également une part de commerce de mode et de vente spécialisée. Il y a quelques années, j’ai quitté le conseil pour me tourner vers l’industrie, et je travaille actuellement chez Petco, un grand détaillant américain d’articles pour animaux basé en Californie, présent aux États-Unis et au Mexique.
Conor Doherty: Merci. Lorsque vous décrivez aux gens, de manière générale, ce qu’est la prévision, comment l’expliquez-vous à un public non spécialiste ?
Sim Taylor: Bien sûr, la prévision, en tant que base, est un processus relativement compréhensible. Il s’agit essentiellement de faire une inférence ou une prédiction concernant un résultat futur. Dans la supply chain et le retail, nous parlons beaucoup de la prévision de la demande, de la demande client. Ainsi, pour ce produit dans ce magasin, que veulent mes clients dans une semaine, dans deux semaines ou dans 52 semaines ? Il s’agit vraiment d’utiliser les informations historiques et des éléments que nous connaissons sur le futur, comme les prix des produits et d’autres données clés, pour comprendre quel résultat probable nous pourrions observer et comment planifier nos commandes pour positionner le produit au bon endroit autour de cela. C’est vraiment la pierre angulaire de la théorie classique de la supply chain, cette prévision. Joannes, serais-tu d’accord avec cette définition ?
Joannes Vermorel: Oui, je suis tout à fait d’accord avec l’idée de la prévision des séries temporelles comme pierre angulaire de la théorie classique de la supply chain. Mais j’aimerais aussi souligner qu’il s’agit en réalité d’une approche très spécifique pour appréhender le futur. Cette approche est tellement établie et répandue depuis si longtemps que l’industrie dans son ensemble a, dans une large mesure, oublié qu’il ne s’agit que de l’une des nombreuses méthodes pour penser l’avenir. Parce qu’il est insaisissable de penser et d’anticiper le futur. Le considérer à travers le prisme de la prévision des séries temporelles vous offre certaines capacités, comme de nombreux modèles qui s’inscrivent dans ce paradigme, mais cela restreint également ce que vous pouvez faire. Et je pense que l’une des choses intéressantes dans cette industrie est que, du fait que les prévisions des séries temporelles existent depuis
Conor Doherty: Je pense qu’il pourrait être utile d’expliquer comment j’ai découvert la prévision probabiliste. Je viens du milieu des affaires plutôt que du milieu académique, donc j’ai découvert la prévision probabiliste en travaillant avec un détaillant qui tentait de résoudre certains des défis commerciaux réels liés aux commandes et au réapprovisionnement.
Sim Taylor: Pour ce client, nous construisions des outils de réapprovisionnement basés sur la prévision ponctuelle standard, qui reste la base dans la plupart des entreprises. Essentiellement, nous pensions que ce produit se vendrait à cinq unités demain, six unités le jour suivant, etc. Comme il y a tant de possibilités que ce chiffre unique ne soit pas exact, nous appliquions alors l’approche classique du safety stock, signifiant essentiellement que notre prédiction unique du résultat de demande le plus probable se révélerait souvent erronée.
La méthode standard du safety stock repose essentiellement sur une hypothèse simpliste selon laquelle la variabilité de la demande et des lead times des fournisseurs est distribuée de façon symétrique autour de notre prévision la plus probable. Cette hypothèse de normalité, d’un point de vue statistique, est tout simplement acceptée comme base par de nombreuses entreprises sans être remise en question.
Pendant que nous travaillions sur ce projet, mon équipe et moi avons examiné la réalité effective des ventes sur la fenêtre de lead time pertinente. Nous avons constaté que, dans la majorité des cas, l’hypothèse de normalité ne tient pas du tout pour la plupart des détaillants. La demande et les lead times ne suivent généralement pas une distribution normale. Votre demande tend à être fortement concentrée autour d’une faible valeur pour la majorité des produits, puis se prolonge par une longue traîne de valeurs de demande potentielles.
Il nous est apparu évident que nous devions utiliser des distributions statistiques plus représentatives pour modéliser cette variabilité de la demande client et des lead times. Sinon, nous risquions de nous retrouver en rupture de stock dans certaines situations parce que nous n’avions pas correctement modélisé les résultats potentiels.
Conor Doherty: Alors, comment as-tu commencé, toi et ton équipe, à envisager des alternatives à la prévision ponctuelle ?
Sim Taylor: Nous nous sommes d’abord appuyés sur la régression quantile dans nos prévisions, qui repose sur l’idée qu’en stocks, nous ne nous soucions pas vraiment du résultat le plus probable, celui que nous obtenons avec une prévision standard. Ce qui nous importe, ce sont ces événements extrêmes et de nous assurer que nous disposons de suffisamment de stocks pour éviter une rupture lorsque cela se produit. C’est ce que font les taux de service dans l’approche classique du safety stock.
Nous avons construit des prévisions en utilisant la régression quantile qui cherchait à répondre directement à un taux de service spécifique. Par exemple, si nous répertorions toutes les occurrences possibles de la demande sur le lead time, quel est le 95e quantile, cette situation très improbable de la demande dans ce lead time ? C’est à ce niveau de stocks que vous fixez votre seuil. Vous n’avez pas à vous soucier de l’appeler un safety stock ou de voir si vos calculs de safety stock reposent intrinsèquement sur des hypothèses incorrectes.
C’est ainsi que nous avons commencé à explorer différentes prévisions de demande, autres que la moyenne ou le résultat moyen. Puis, la question a évolué vers : à quel taux de service devons-nous fixer afin de déterminer quel quantile de la demande ou du lead time prévoir, et comment combiner ces prévisions quantiles pour la demande et les lead times ? C’est alors que j’ai découvert Lokad et leur approche unique et différenciée, où ils prévoient tous les résultats possibles de la demande sur le lead time et attribuent une probabilité à chacun, capturant bien plus d’informations que la simple compréhension des quantiles.
Joannes Vermorel: Ton parcours me rappelle incroyablement le mien, car c’est chez Lokad que j’ai rencontré personnellement ces problèmes liés à ces hypothèses. Le terme “safety stock” semble rassurant, mais la réalité est que les hypothèses mathématiques qui y sont intégrées sont assez folles et assurément très dangereuses. On se retrouve avec des situations comme des lead times négatifs, ce qui est incroyablement bizarre. C’est ce que l’on obtient avec une distribution normale pour les lead times. Et l’idée
Conor Doherty: J’ai réalisé qu’il existait un décalage entre ce qui intéressait réellement les gens et ce qu’ils disaient. Les directeurs de la supply chain voulaient une meilleure prévision, mais ce qu’ils désiraient en fin de compte, c’était une meilleure décision supply chain. Lorsque l’on commence à penser en termes de statistiques, ce n’est pas la moyenne qui compte, mais les extrêmes. Ce sont ces situations extrêmes qui déclenchent les scénarios de rupture ou de surstock, et ce sont elles que l’on veut vraiment analyser d’un point de vue statistique. J’ai constaté que les professionnels de la finance et de la prévision météorologique pratiquent la prévision probabiliste depuis le début des années 90. En 2011-2012, nous avons commencé à l’appliquer à la supply chain avec un certain décalage par rapport à d’autres pionniers dans d’autres secteurs.
Sim Taylor: L’approche classique essaie toujours de prendre en compte le risque, mais nous ne faisons que nommer nos stocks différemment. En réalité, ce qui compte, c’est le résultat pour l’entreprise. Dans notre approche standard, nous nous efforçons d’être très précis en prédisant le résultat le plus probable, tout en reconnaissant que c’est une façon étrange d’aborder les choses, car nous nous soucions véritablement de couvrir le risque d’éventualités plus extrêmes, d’où l’existence de ce safety stock. La prévision quantile consiste à fixer directement ces deux paramètres, en examinant l’exemple extrême de la demande et en calculant les stocks que nous devrions avoir sur place.
Joannes Vermorel: Lorsque vous disposez d’une gamme complète de probabilités potentielles, comment cela se traduit-il concrètement et est-il utilisé dans la réalité de l’entreprise ? Ce sont ces décisions de commande qui nous intéressent, en veillant à ce qu’elles soient les plus optimales possible. Nous n’avons peut-être plus besoin du terme “safety stock”, mais je suis curieux de savoir comment vous traduisez cela en exécution réelle.
Sim Taylor: La première motivation pour envisager des prévisions alternatives était de constater que les occurrences de demande ne suivaient pas le type de distribution modélisé dans l’approche classique du safety stock. C’est ce qui m’a incité à explorer d’autres méthodes et à évaluer notre capacité à disposer d’un modèle alternatif mieux adapté aux données.
Conor Doherty: Ainsi, pour mieux reproduire ou tenir compte de la variabilité, telle qu’elle se présente généralement pour la demande et les lead times, vous avez opté pour une approche de prévision quantile. Mais il y a eu des défis, comme déterminer quel quantile de la demande extrême choisir pour équilibrer les besoins des clients et les aspects financiers par rapport au coût de détention des stocks. Et dans des environnements contraints, fréquents dans les entreprises et la supply chain, il fallait trouver un moyen de choisir entre différents produits et unités à acheter. Peux-tu nous en dire plus sur la façon dont tu as découvert la prévision probabiliste comme solution à ces défis ?
Sim Taylor: Oui, ce qui m’a intéressé dans la prévision probabiliste, c’est le concept de comprendre tous les scénarios potentiels et leurs probabilités. Si je connais la probabilité de vendre quatre, cinq ou six unités, je peux déterminer la probabilité de vendre la prochaine unité que je vais acheter. Si je connais cela, ainsi que la valeur tirée de la vente de ce produit, la marge brute, et les coûts de détention et de rupture de stocks, je peux prendre une décision claire sur l’unité qui apporte le plus de valeur à mon entreprise. Ce faisant, cela résout de nombreux défis avec lesquels mon équipe et d’autres luttent depuis longtemps. Nous sommes toujours dans un environnement contraint, et comprendre la probabilité de vente de chaque unité supplémentaire ainsi que sa valeur financière est une manière élégante d’aborder ces défis.
Joannes Vermorel: C’est très intéressant. Mon plus grand défi, lorsque j’essaie d’introduire la prévision probabiliste dans de grandes entreprises établies comme Petco, réside dans la division historique du travail entre la prévision et la prise de décision. Les grandes organisations séparent généralement la tâche entre ceux qui font la prévision et ceux qui prennent des décisions, comme le réapprovisionnement, les ordres de production et les ordres de mouvement de stocks. Mais la prévision probabiliste est un outil qui permet un processus de décision plus efficace. La prise de décision elle-même n’est pas exactement la prévision, mais fondamentalement, le fait de prendre la décision de réapprovisionnement et de réaliser la prévision sont beaucoup plus imbriqués que dans l’ancien modèle où une équipe distincte s’occupait de l’analyse du safety stock et de la prise des décisions.
Conor Doherty: Le réapprovisionnement est, je dirais, une théorie classique de la supply chain qui offre une division du travail très nette entre les personnes chargées de la prévision/planification et celles responsables de prendre les décisions opérationnelles, comme les ordres de production, les ordres de réapprovisionnement, les ordres de mouvement de stocks, etc. Comment abordes-tu cela ? Tu as travaillé dans de très grandes entreprises établies qui, évidemment, disposaient d’une pratique de la supply chain datant d’avant ces insights probabilistes. Comment as-tu réellement présenté cette méthode à l’organisation, méthode qui, je crois, ne respecte pas les frontières historiques de la division du travail mises en place pour soutenir la pratique de la supply chain ?
Sim Taylor: Je pense que dans les situations où nous avons généré de la valeur, par exemple grâce à l’approche de la prévision quantique, il est vraiment utile d’avoir une responsabilisation sur l’ensemble de l’exécution de la supply chain. Si notre objectif ultime, qui l’est toujours, est d’améliorer la satisfaction client, les ventes et de minimiser nos coûts, la prévision elle-même n’est qu’un moyen d’atteindre une fin. Ce qui compte, ce sont les résultats : combien commander, vers quel emplacement, et à quel moment, tant dans les centres de distribution que dans les magasins. J’ai connu le succès lorsque l’on nous confiait la tâche de construire cette prévision et de la traduire directement en quantités de commande.
Nous prévoyons, générons les quantités de commande, que ce soit des fournisseurs vers les centres de distribution ou pour le réapprovisionnement des centres de distribution vers les magasins. Le rôle consiste essentiellement en un processus d’approbation et d’évaluation. Dans un monde idéal, vous souhaitez automatiser autant que possible le gros de la charge mathématique et réussir dans la majorité des scénarios. Ensuite, combiner cette vision basée sur les données avec l’expertise des équipes commerciales permet de comprendre et d’évaluer les extrêmes ou divers exemples, et d’y apporter les ajustements nécessaires.
Lorsque une entreprise cherche à remplacer ou transformer sa manière de gérer le réapprovisionnement des commandes, c’est un projet d’envergure qui demande beaucoup de travail, de nombreux mois d’implémentation et l’implication de nombreuses personnes. C’est l’occasion de réinitialiser et de rafraîchir le fonctionnement de votre entreprise. De nombreuses entreprises en profitent pour repenser leur organisation, ce qui implique généralement la gestion du changement et une réorganisation. Si vous pouvez repenser votre organisation et la recentrer autour d’un système bien meilleur, c’est là que le véritable succès se traduit par une réduction des coûts de commande et une amélioration des stock levels pour les clients.
Conor Doherty: J’ai juste une question très spécifique à te poser, Joannes. Nous parlons de l’approche traditionnelle pour résoudre les conflits entre de multiples contraintes dans le cadre des équipes commerciales. Quelle est la manière habituelle dont une équipe non probabiliste résoudrait cela, ou comment un processus d’optimisation non probabiliste serait-il mené au quotidien ?
Joannes Vermorel: Si nous prenons un exemple dans le retail, vous auriez une équipe chargée de la prévision. Elle établirait la base, gérerait les profils de seasonality et peut-être mettrait-elle en place des éléments tels que les ABC classes avec le niveau de focalisation requis, etc. Il y aurait donc une équipe très axée sur l’établissement des projections futures qui reposent sur des séries temporelles. Ensuite, vous auriez une autre équipe, ou une série d’équipes, responsables des décisions opérationnelles, telles que le réapprovisionnement ou la décision quant à l’éligibilité d’un produit dans un magasin. L’organisation traditionnelle est pleinement justifiée, et elle est très établie et raréfiée dans la mesure où la plupart des outils logiciels disponibles sur le marché vous offrent des interfaces utilisateur et des processus.
Joannes Vermorel: Lorsque vous disposez de workflows sur mesure pour cet état d’esprit, même s’ils sont en partie arbitraires, une fois que vous avez des tonnes d’outils qui vérifient les positions, vous disposez d’un écran dédié à la revue des prévisions des séries temporelles, d’un autre écran pour l’ajustement des safety stocks, et d’un troisième écran pour la gestion des alertes. Ces concepts abstraits se transforment en éléments tangibles dans l’organisation parce que des personnes, avec des rôles et des workflows définis, les prennent en charge.
Comme notre invité l’a mentionné, ce qui est intéressant, c’est que la prévision probabiliste remet en question l’organisation à un niveau assez profond. Si nous avons un projet d’envergure qui revisite l’une des fonctions essentielles de l’entreprise, comme le réapprovisionnement dans le commerce de détail, il y a alors l’opportunité de revoir de nombreuses hypothèses. Cela demande un certain saut de foi, puisqu’il s’agit de passer de la manière traditionnelle d’aborder la gestion de la supply chain à une organisation alternative, conséquence de ce que les prévisions probabilistes permettent de réaliser dans votre entreprise.
Les prévisions ne sont que des artefacts ; ce sont des instruments pour obtenir autre chose. Pourtant, dans de nombreuses entreprises, en particulier celles disposant d’une large supply chain, les prévisions sont généralement considérées comme un objectif en soi. Il existe une équipe disposant d’indicateurs de performance en termes de précision, et cela fait partie du processus S&OP. Ils souhaitent obtenir une prévision plus précise comme objectif pour l’année suivante.
Sim Taylor : Le défi est de se détacher de la prévision. Avec la prévision probabiliste, vous proposez de rediriger l’attention de la direction. Au lieu de suivre des indicateurs de performance de la précision des prévisions, en fournissant ressources, budget et outils pour les améliorer, nous devrions nous concentrer sur les décisions prises en fonction de ces prévisions. C’est beaucoup à assimiler, et cela demande un saut de foi. Comment pouvons-nous fournir une argumentation plus approfondie plutôt que de simplement dire “faites-moi confiance, ce sera bien meilleur” ?
C’est difficile et très exigeant. Je perçois ici un potentiel de valeur énorme, mais je ne connais aucune grande entreprise qui ait pleinement adopté la prévision probabiliste. La mettre en œuvre étape par étape, en déployant d’abord un outil plus simple et plus rapide, puis en montrant les résultats, est la meilleure manière d’impliquer et de mobiliser les cadres de la supply chain. Il faut cet exemple marquant, puis mesurer la réalité économique : la disponibilité en rayons, rotation des stocks, l’investissement en stocks et les semaines de stock avant et après le déploiement de la nouvelle approche.
Montrez les bénéfices financiers clairs et indéniables générés par la nouvelle approche. Se soucier de la prévision est-il vraiment primordial ? On peut en discuter, mais ce sont les résultats qui comptent. Placer les résultats commerciaux en tête et entamer la conversation en évoquant des succès et des résultats historiques retiendra davantage l’attention que de commencer par la théorie.
Conor Doherty : J’ai mentionné les experts en supply chain, ces leaders riches d’expérience qui possèdent une intuition remarquable et dont vous pouvez tirer parti. Tout le monde veut améliorer son entreprise, si bien que presque chacun est enclin à prendre un saut, mais il suffit d’avoir quelques bases solides et un brin de confiance. Ils ont vu une entreprise similaire et les retours financiers qui démontrent réellement le succès. C’est ainsi que, une fois que vous avez eu ce cas d’usage marquant pour prendre le cap, vous disposez vraiment d’une plateforme à partir de laquelle vous pouvez vous lancer. Je pense que c’est de cette façon que débutent toujours les nouvelles technologies et approches. Au bout du compte, nous sommes dans une entreprise pour offrir le meilleur au client et satisfaire financièrement les actionnaires. Si nous pouvons démontrer qu’il existe un bon cas d’usage pour prendre ce risque et essayer quelque chose de différent parce que nous avons constaté des retours ailleurs, c’est une perspective enthousiasmante. Vous serez bien plus enclins à entamer la discussion et à lancer le mouvement. Mais je suis d’accord, c’est un grand défi car les processus établis sont profondément ancrés dans la manière dont nous structurons nos équipes dans la plupart des grandes entreprises. Il faut donc les bonnes personnes, prêtes à comprendre réellement les défis et capables d’influencer pour construire ce business case, afin de montrer qu’il existe réellement une valeur à tenter quelque chose comme cela.
Joannes Vermorel : L’une des objections que je reçois fréquemment est que lorsqu’on passe de prévisions ponctuelles, aisément représentables dans Excel, à des prévisions probabilistes, qui peuvent l’être dans une certaine mesure dans Excel, le processus devient un véritable cauchemar. En fin de compte, il faut moderniser ses outils d’une manière ou d’une autre. Pour pouvoir disposer de modèles qui intègrent l’incertitude, il vous faut un outil bien plus performant qu’Excel. Vous créez alors une catégorie de risque, car soudainement votre organisation dépend de personnes capables de manier ces outils plus complexes. En raison de votre position de responsable data science, je pense que vous êtes à l’avant-garde de l’introduction de technologies qui ne sont pas immédiatement accessibles. Dès qu’il est question d’avoir 20 lignes de Python, le niveau de compétence requis pour s’en charger, contrairement à un simple tableur, est considérable. Cela signifie donc que, pour l’entreprise, vous dépendez de personnes disposant de bien plus de compétences en ingénierie que ce qu’elles avaient dans ces postes en supply chain. Je sais que certaines personnes avec qui je discute sont préoccupées par ce type de proposition. Elles se demandent comment y remédier lorsqu’elles veulent établir une supply chain dans le monde réel qui ne reposera pas sur des feuilles Excel ou qui ne sera pas implémentée comme un système à règles dans ERP.
Sim Taylor : Il y a probablement deux points à examiner. Le premier est qu’Excel est un outil très familier aux responsables de catégorie, aux acheteurs et aux praticiens de la supply chain. Il est indéniablement utile, mais dans la plupart des entreprises, la majorité des décisions est déterminée et pilotée par un système qui reste en quelque sorte une boîte noire pour ceux qui prennent réellement les décisions d’achat. Ainsi, passer d’Excel n’est pas, dans certains cas, un saut énorme. C’est une transition d’un système qui fait des recommandations d’une certaine manière vers un autre qui en fait d’une façon différente. Je pense que tant qu’il y a la confiance dans le fonctionnement du nouveau système, accompagnée d’une formation appropriée et de discussions permettant de comprendre pourquoi le système agit différemment, ce changement n’est pas si radical.
La deuxième partie concerne la confiance envers les data scientists. Je crois vraiment que la supply chain et la planification merchandising sont des domaines où l’on ne peut pas simplement affecter un data scientist en s’attendant à des bénéfices financiers tangibles. Il y a peut-être un
Conor Doherty : Joannes et Sim, j’aimerais en savoir plus sur l’importance de disposer à la fois d’une expertise technique et mathématique ainsi que d’une expérience en supply chain lorsqu’il s’agit d’optimiser les supply chains. Qu’en pensez-vous ?
Sim Taylor : L’optimisation de la supply chain requiert une combinaison d’expertises, incluant la compréhension des défis et complexités du monde de la supply chain ainsi qu’une aptitude mathématique et technique. Le candidat idéal aurait de l’expérience dans la gestion de la supply chain comme dans la data science. Il devrait être capable de comprendre et de travailler avec les systèmes existants et connaître les défis courants, tels que les quantités minimales de commande imposées par les fournisseurs et les contraintes de capacité dans les centres de distribution. Un data scientist tout juste sorti de l’école doctorale pourrait ne pas posséder ces connaissances, ce qui peut engendrer un manque de confiance lorsqu’il s’agit d’allier technologie et gestion de la supply chain. Ce que nous recherchons, ce sont des personnes intelligentes, dotées à la fois d’une compréhension du business et d’une inclination technique, capables de travailler avec ou d’expliquer du code pour automatiser intelligemment les décisions. Cette combinaison est cruciale pour constituer des équipes d’analytics performantes.
Conor Doherty : Joannes, diriez-vous que votre approche de sélection des Supply Chain Scientist chez Lokad s’aligne avec la vision de Sim sur l’importance de disposer d’une combinaison de compétences ?
Joannes Vermorel : Oui, je pense que nos points de vue convergent. En fait, j’entrevois une évolution du marché dans laquelle, dans une dizaine d’années, les équipes de data science qui opèrent actuellement de manière indépendante pourraient intégrer les divisions supply chain. J’imagine un futur où chaque division disposerait d’une équipe d’ingénieurs spécialisés dans l’analyse quantitative, apportant l’épine dorsale de l’optimisation pour l’entreprise. Ils travailleraient étroitement avec les opérations et la haute direction pour établir des stratégies. Je crois que cette évolution naturelle conduirait à la réintégration des compétences en data science dans chaque département, par exemple les analystes supply chain intégrant la division supply chain, et les analystes marketing rejoignant la division marketing. La structure organisationnelle actuelle, où les départements de data science sont indépendants des divisions qu’ils servent, pourrait évoluer à mesure que la data science deviendra un élément intrinsèque de chaque pratique plutôt qu’une fonction de soutien.
Sim Taylor : Joannes, je trouve intéressante votre perspective sur l’avenir de la data science et de l’analytics au sein des organisations. En tant que responsable de l’analytics chez Petco, je pense que si nous continuons à enregistrer des succès opérationnels, il pourrait effectivement y avoir un glissement vers l’intégration des divisions d’analytics de données dans leurs départements respectifs d’ici une dizaine d’années.
Conor Doherty : Voyez-vous cela comme une internalisation accrue dans chaque division qui réussit ?
Joannes Vermorel : Quelle question intéressante, qui interroge vraiment la manière d’organiser et de structurer une entreprise aujourd’hui ainsi que les avantages de ces différentes approches. Personnellement, je ne suis pas en désaccord avec vous. Je pense que le titre et l’organisation dans laquelle vous évoluez sont en quelque sorte sans importance.
Sim Taylor : Ce qui m’enthousiasme chaque jour au travail, c’est de chercher des opportunités pour apporter de la valeur, une valeur tangible que l’on peut mesurer. Je me concentre particulièrement sur la supply chain, comme je l’ai mentionné, notamment dans la planification merchandising. Mon supérieur dirige l’organisation d’analytics de données au sens large couvrant de nombreux domaines et parvient à les rassembler. Mais, comme je l’ai précisé, pour la supply chain, j’ai déjà vu cela dans le passé : il y a des personnes vraiment intelligentes qui n’ont pas l’expérience en supply chain mais qui sont très techniques, et cela ne signifie pas nécessairement qu’elles apportent une valeur significative à l’entreprise. C’est la combinaison des compétences business et de la compréhension approfondie du secteur, associée à la capacité d’exécuter techniquement, qui, à mon sens, conduit à des résultats financiers positifs et significatifs.
Ainsi, que vous vous appeliez data scientist ou praticien supply chain, d’une certaine manière, je pense que c’est la mauvaise question ou une question sans pertinence. Pour ma part, c’est la résolution de problèmes supply chain qui me passionne, et donc, que l’on désigne les membres d’une équipe comme Supply Chain Scientist ou planificateurs de la demande, ce qui compte, c’est le travail accompli.
Je suis tout à fait d’accord sur le fait que vous devez être étroitement lié au business ; sinon, il y a tellement de subtilités dans le domaine de la supply chain et de la planification merchandising que, sans une maîtrise de ces aspects, on se contente de jongler avec des chiffres, et il devient difficile d’obtenir des résultats significatifs.
L’autre côté de la médaille, je pense, c’est qu’il y a beaucoup de valeur à rassembler des experts et praticiens en analytics issus de différents domaines. L’avantage d’avoir une seule organisation de data science, c’est de pouvoir créer des liens et des relations entre des personnes partageant la même vision et dotées d’une grande intelligence, afin qu’elles puissent apprendre les unes des autres et puiser réellement dans leur expertise technique issues de divers secteurs. Il y a énormément d’avantages dans la façon dont les équipes interagissent, que ce soit en analytics marketing, en supply chain, en relation client, en tarification, par exemple. Ces connexions sont très précieuses et fédératrices.
Je pense que tout dépend véritablement de l’entreprise et de ce qu’elle considère comme la meilleure stratégie globale. Mais, d’un point de vue strictement supply chain, c’est uniquement les résultats qui comptent, et il est très difficile d’obtenir cette confiance dont nous avons parlé, si cruciale lorsqu’il s’agit d’essayer quelque chose de nouveau et apparemment complexe, si l’on ne peut pas le résumer et l’expliquer en termes de création de valeur pour l’entreprise, tout en comprenant le fonctionnement de la supply chain.
Joannes Vermorel : Je pense que vous avez soulevé un point très intéressant, et je reviens en arrière par rapport à vos commentaires sur la centralisation. Pour revenir à la prévision probabiliste, il s’agit d’une innovation assez technique, mais ce qui est surprenant, c’est qu’elle touche énormément le business. La raison pour laquelle elle vous intéresse, et que vous avez mentionnée à plusieurs reprises, réside dans les valeurs que vous pouvez créer.
Ce qui est intéressant de mon point de vue, et c’est également quelque chose de très difficile à transmettre, c’est que, par nature, cela est incroyablement différent, disons, du deep learning ou de l’AI. Il s’agit fondamentalement d’une innovation qui intéresse en raison de ce qu’elle permet de faire de manière très concrète dans la supply chain. La quantité d’ingrédients technologiques – il y a certains ingrédients technologiques dans la réalisation de prévisions probabilistes – mais cela joue un
Conor Doherty : De meilleures prévisions peuvent conduire à une supply chain améliorée. Les entreprises qui excellent dans l’approche classique peuvent optimiser leurs commandes et leur réapprovisionnement de manière plus efficiente. Cependant, il est important de noter que la logique de réapprovisionnement et la façon dont nous extrapolons les prévisions pour prendre des décisions en supply chain sont tout aussi importantes. Sim Taylor : Les gens sont souvent surpris de constater que, dans certains cas, une moyenne mobile naïve pourrait fournir des résultats similaires à une mauvaise prévision ponctuelle. J’essaie de concentrer la conversation davantage sur la prise de décisions basée sur ce qui générera le meilleur résultat, et sur la manière dont nous évaluons la variabilité de la demande et celle des délais de livraison. Nous devons démontrer le succès financier de cette approche de façon simple et tangible pour les entreprises. Conor Doherty : Sim et Joannes, avez-vous des exemples d’entreprises ou de clients où vous pouvez réellement montrer l’amélioration financière après la mise en place de cette approche ? Sim Taylor : Je n’ai pas d’exemple précis du point de vue des prévisions probabilistes, mais concernant les quantiles, j’ai constaté du succès. Nous avons déployé cette approche auprès d’entreprises, en nous concentrant sur des indicateurs clés comme la disponibilité en rayons et les semaines de stock. Nous avons réussi à obtenir une meilleure disponibilité en rayons tout en maintenant, voire en réduisant, les niveaux de stocks. Cette approche a permis de gagner en confiance et a démontré qu’appliquer intelligemment ces concepts pouvait générer de la valeur pour l’entreprise. Conor Doherty : Avez-vous des anecdotes ou des histoires de réussite où vous avez appliqué une approche de prévision probabiliste et démontré la valeur dont vous parlez ?
Sim Taylor: Pas spécifiquement d’un point de vue de la prévision probabiliste, mais d’un point de vue des quantiles, pour ma part, oui. En collaborant avec un grand détaillant canadien, nous avons déployé une approche de prévision ponctuelle du stock de sécurité, ce qui a conduit à une amélioration de la disponibilité en stock sans augmenter les stocks. Lorsque nous sommes passés à la prévision par quantiles, nous avons constaté une augmentation significative de l’obtention d’une meilleure disponibilité en stock tout en maintenant les niveaux de stocks inchangés, voire en les réduisant. Cela a mis en lumière des tendances claires et des différences dans les facteurs de performance commerciale, renforçant la confiance dans cette approche. Je suis un passionné qui souhaite franchir le pas et utiliser la prévision probabiliste pour améliorer encore ces résultats.
Conor Doherty: La prévision par quantiles ne résout pas vraiment, eh bien, merci, Sim, sur ce point. Pour te passer la parole, Joannes, as-tu des anecdotes du même genre que celle de Sim ?
Joannes Vermorel: Ouais, je veux dire, c’est un détail, mais je pense que si je compare ce que faisait Lokad il y a une quinzaine d’années, au tout début, et ce qu’il fait aujourd’hui avec des approches rendues possibles par la prévision probabiliste pour supply chain, la quantité de cas particuliers est très intéressante. Lorsque nous avons commencé, à chaque problème de supply chain que nous tentions de résoudre, c’était comme une forêt de cas particuliers. Par cas particuliers, j’entends des situations où la logique habituelle échouait tellement qu’il fallait intervenir manuellement pour corriger le résultat, celui-ci devenant totalement absurde. C’est pour cela que des fournisseurs comme Lokad disposent généralement d’alertes et d’exceptions pour gérer toutes ces situations manifestement absurdes. On peut même mettre en place une règle pour le détecter et dire, “D’accord, quelqu’un doit intervenir parce que le système produit un résultat qui a si peu de sens.”
Et nous sommes passés d’une abondance de cas particuliers à très peu d’entre eux. C’est intéressant car, pour moi, cela a signifié l’élimination de ces cas particuliers, ces éléments qui nécessitent une attention et des règles spécifiques. Au final, je crois que cette élimination prouve que tout cela n’était que la conséquence d’une méthode qui, au fond, ignorait l’incertitude. Ainsi, chaque fois que l’incertitude ou le risque se manifestait — et d’ailleurs, lorsque nous avons des contraintes, par exemple, avec un emoji et tout ce que cela implique pour prendre une décision tenant compte du risque —, nous parvenions à les simplifier.
Bien que ce soit un aspect très anecdotique, j’ai constaté que l’élimination des cas particuliers était l’indicateur le plus fiable indicateur de la maturité et de la qualité de votre technologie. C’est savoir si vous pouvez fonctionner avec un nombre très limité de cas particuliers et de situations marginales nécessitant une intervention humaine et une microgestion de la solution logicielle. À l’inverse, si vous devez microgérer votre solution logicielle qui gère votre supply chain, cela signifie très probablement qu’au niveau fondamental, quelque chose ne va pas. Vous avez un décalage entre la manière d’aborder le problème et la façon dont votre logiciel opère, et ainsi vous finissez par recourir à cette microgestion comme un pansement de fortune pour votre supply chain.
Pour moi, la question sera : pouvons-nous passer des prévisions ponctuelles aux prévisions par quantiles, puis aux prévisions probabilistes ? La question ouverte sera donc : quelle est la suite ? Je suis convaincu qu’une nouvelle étape technologique se profilera dans ce domaine, mais pour l’instant, le défi reste de faire accepter par la plupart des entreprises l’idée d’accepter simplement l’incertitude.
Sim Taylor: Et Joannes, juste pour ajouter, tu sais, tu parles de la réduction de la charge de travail comme l’un des principaux avantages que tu as constatés. Je pense que l’autre face de la médaille est que, si l’on considère certains de ces cas particuliers de niche — qui, en réalité, ne sont pas si marginaux et apparaissent tout le temps dans la supply chain, comme nous l’avons dit, dans un monde plein de contraintes —, soit cela demande plus de travail, soit, comme je le constate dans les entreprises précédentes, c’est bien plus souvent qu’une mauvaise décision est prise. Peut-être que ce n’est pas un travail supplémentaire, mais nous prenons juste un
Conor Doherty: La prise de décision simplifiée conduit souvent à des résultats sous-optimaux. L’objectif est d’utiliser des informations supplémentaires pour éclairer une décision plus optimale qui requiert moins d’effort.
Sim Taylor: Exactement. Par exemple, nous n’avons qu’assez de besoins d’achat pour commander 50 chargements par camion chez un fournisseur, mais notre contrat stipule que nous devons commander des chargements complets ou respecter une quantité minimale de commande. Est-il financièrement préférable de commander maintenant et d’acheter des produits supplémentaires dont nous n’avons pas besoin, entraînant un excès de stocks occupant de la capacité, ou de ne rien commander du tout et risquer des ruptures de stock sur certains produits ? Idéalement, nous disposerions d’une décision basée sur le ROI pour déterminer si nous devons commander maintenant ou plus tard, ce qui rendrait les décisions relatives aux cas particuliers plus efficaces.
Conor Doherty: Messieurs, je n’ai pas d’autres questions. Sim, en tant que client, je te laisse la dernière parole. Y a-t-il quelque chose que tu aimerais ajouter ou des questions de suivi que tu souhaiterais poser aux directeurs supply chain qui n’ont pas encore adopté la prévision probabiliste ?
Sim Taylor: Mon appel à l’action pour la communauté supply chain est d’évaluer ces concepts, de les adopter et de franchir le pas pour tester et itérer afin de comprendre la valeur que nous pouvons obtenir en allant au-delà de l’approche classique. Remplaçons-nous simplement un système par un autre qui fait sensiblement la même chose ? J’aimerais voir davantage de conversations et de cas d’utilisation réels où nous commencerions à envisager cette approche et à l’intégrer dans les entreprises pour en tirer du succès. En partageant des exemples de cette valeur, cela contribuera à accélérer la conversation et à nous orienter collectivement vers un scénario de commande et de réapprovisionnement plus optimal.
Conor Doherty: Merci pour cela, Sim. Je ne peux pas prendre tout le crédit. Joannes aide énormément.
Joannes Vermorel: Merci, Conor. Je l’apprécie.
Conor Doherty: Sur ce, messieurs, nous allons clore cette session. Joannes, merci beaucoup pour ton temps. Sim, merci beaucoup pour le tien. À la prochaine.