00:00:07 Introduction et parcours d’Olivier Jonard.
00:01:31 Complexité des chaînes d’approvisionnement alimentaires et périssabilité.
00:03:19 Incertitude dans la production et les prix dans l’industrie alimentaire.
00:05:01 Équilibrer la concurrence des prix et la qualité des produits.
00:07:26 Offrir plusieurs choix pour gérer le compromis entre prix et qualité.
00:08:35 Défis de l’approvisionnement local dans les grandes villes.
00:11:57 Prévisibilité et incertitude dans l’industrie alimentaire.
00:13:32 Impact des promotions et des substitutions sur la volatilité du marché.
00:15:36 Stabilité et prévisibilité de la demande alimentaire.
00:16:02 Facteurs saisonniers et différences régionales dans les stratégies de promotion.
00:18:55 Défis dans la supply chain de l’industrie alimentaire et approches courantes.
00:21:22 Améliorer les prévisions de la supply chain et la nécessité d’une approche plus intelligente.
00:22:30 Tendances futures et concept de guichet unique.
00:23:01 L’importance de la communication dans la gestion de la supply chain et les prévisions.
00:24:00 L’importance des outils de base et des connaissances dans la gestion de la supply chain.
00:25:35 Le rôle de la technologie et de l’intelligence artificielle dans les supply chains.
00:26:36 Avenir de l’industrie alimentaire : coûts et tendances.
00:27:45 Évolution de la technologie dans le secteur alimentaire.
00:28:53 Intelligence augmentée et valorisation de l’expertise dans l’industrie alimentaire.

Résumé

Lors d’une interview, Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, et Olivier Jonard, directeur de la Supply Chain et de la Logistique chez Agromousquetaires, discutent de la complexité de la supply chain alimentaire et du rôle de la technologie. Les chaînes d’approvisionnement alimentaires sont confrontées à des défis liés aux produits périssables, au contrôle de la température, à la prévention de la contamination, aux incertitudes de la demande et de la production, ainsi qu’aux fluctuations du marché mondial. Les intervenants abordent l’équilibre entre prix et qualité perçue, en mettant l’accent sur les choix multiples pour répondre aux préférences des clients. Ils soulignent une tendance vers les produits locaux et la nécessité de repenser les stratégies de production et de distribution. Vermorel et Jonard s’accordent à dire que les outils de supply chain traditionnels sont insuffisants pour l’industrie alimentaire, soulignant l’importance d’adapter la technologie aux besoins du secteur et de valoriser l’expertise humaine pour l’optimisation.

Résumé étendu

Dans cette interview, Kieran Chandler s’entretient avec Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, et Olivier Jonard, directeur de la Supply Chain et de la Logistique chez Agromousquetaires, un important producteur alimentaire français. Ils discutent des complexités de la supply chain alimentaire et du rôle de la technologie dans l’industrie.

Joannes explique que la supply chain alimentaire est complexe en raison de la nature périssable des produits, de la nécessité de contrôler la température, de prévenir la contamination et des incertitudes tant du côté de la demande que de la production. De plus, les marchés mondiaux et les fluctuations des prix compliquent davantage les choses, ce qui se traduit par des produits plus difficiles à gérer. L’industrie alimentaire a dû mettre en place des solutions de supply chain modernes bien avant l’avènement de l’informatique, et la numérisation présente maintenant un nouvel ensemble de défis.

Olivier partage son expérience dans l’industrie alimentaire, ayant travaillé pour Nestlé et d’autres entreprises avant de rejoindre Agromousquetaires en 2019. Il convient que le prix est toujours le facteur principal que les clients considèrent lorsqu’ils choisissent un supermarché, mais d’autres facteurs tels que la qualité, l’origine et une rémunération équitable pour les agriculteurs sont également importants. Malgré des marchés matures, la concurrence reste intense avec de nouveaux produits et de nouveaux entrants, ce qui rend difficile pour les entreprises de concourir et de lancer de nouveaux produits. Les entreprises doivent être stratégiques dans l’approvisionnement, la production, la distribution et l’anticipation afin de maintenir des prix bas.

Joannes ajoute que les supermarchés, y compris Agromousquetaires, jouent un acte d’équilibre délicat entre le prix et la qualité. En proposant une gamme de compromis, tels que des articles de premier prix, des marques de supermarché et des marques privées, les entreprises peuvent répondre aux clients recherchant différentes combinaisons prix-qualité. L’aspect unique d’Agromousquetaires est que leurs marques privées sont quelque peu cachées dans les magasins, mais les clients en sont conscients.

Ils abordent les défis liés à l’équilibre entre le prix et la qualité perçue des produits alimentaires, en soulignant l’importance d’offrir plusieurs choix pour répondre aux préférences variées des clients. Cependant, cela complique la gestion de la supply chain en raison du nombre accru d’options.

Les intervenants notent qu’une partie importante de la population française termine chaque mois avec un petit surplus financier, ce qui fait des dépenses alimentaires un facteur critique dans leur budget. Ils observent également une tendance croissante vers les produits locaux, notamment à la suite de la crise du COVID-19, qui a révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales. Les villes en France analysent déjà la proportion d’aliments consommés par les citoyens provenant des régions avoisinantes.

Les interviewés reconnaissent que les modèles actuels de supply chain, basés sur les économies d’échelle et la mondialisation, ne conviennent pas bien à la demande de produits locaux. Ils discutent de la nécessité de repenser les stratégies de production et de distribution, potentiellement en passant de quelques grandes usines à plusieurs plus petites.

Joannes Vermorel met en évidence la prévisibilité de la consommation alimentaire, notant qu’en dépit de la stabilité macroéconomique, des incertitudes persistent encore dans la prévision pour les acteurs individuels de l’industrie alimentaire. La conversation met l’accent sur l’importance de l’optimisation et de la focalisation sur les décisions clés pour relever ces défis et améliorer les performances de la supply chain dans le secteur alimentaire.

La conversation tourne autour des défis et des opportunités dans l’industrie de la supply chain alimentaire.

Vermorel explique que l’industrie alimentaire a des marges relativement faibles et que le prix compte beaucoup. Cela conduit à des promotions fréquentes, qui font varier la demande et rendent le marché imprévisible. De plus, le potentiel élevé de substitution dans l’industrie alimentaire contribue à une volatilité significative, ce qui rend la gestion de la supply chain très difficile.

Jonard, quant à lui, soutient que la demande alimentaire est généralement assez stable et prévisible. Il donne des exemples de certains comportements saisonniers, tels qu’une consommation accrue de saumon fumé pendant Noël ou d’eau et de jus de fruits lorsque les températures augmentent. Malgré cette prévisibilité, la fraîcheur des produits et la nécessité d’anticiper la demande des consommateurs pour des articles tels que des saucisses pour les grillades pendant les week-ends ensoleillés nécessitent une gestion prudente des stocks.

Jonard est également d’accord avec Vermorel sur la prévalence des promotions en Europe, affirmant que les consommateurs y sont accros. Différents pays et catégories ont leurs propres schémas de promotion, ce qui peut contribuer aux fluctuations du marché. La combinaison de promotions, de conditions météorologiques et de problèmes de production peut rendre la supply chain chaotique et imprévisible.

Jonard partage que dans son entreprise, certaines usines fonctionnent sans beaucoup se fier aux prévisions, utilisant plutôt les budgets et les stocks comme leurs principaux outils. Cependant, il estime que l’importance des prévisions pour la rentabilité augmente et qu’il y a des possibilités d’amélioration.

Enfin, Vermorel identifie les domaines potentiels d’exploitation dans la supply chain en examinant les technologies de supply chain courantes. Il soutient que de nombreuses solutions actuelles sont orientées vers des situations naïves de biens de consommation à rotation rapide (FMCG), sans incertitude dans la production, le prix ou les promotions. Vermorel suggère qu’il existe une opportunité de nouvelles approches qui tiennent mieux compte des défis uniques de l’industrie de la supply chain alimentaire.

La discussion tourne autour de l’optimisation de la supply chain dans l’industrie alimentaire, de l’efficacité des outils courants, de l’acceptation de l’incertitude et du rôle de l’intelligence artificielle.

Vermorel explique que les outils courants de la supply chain ne conviennent pas bien à l’industrie alimentaire et que peu d’entreprises abordent adéquatement la substitution, la cannibalisation et l’incertitude. Il suggère qu’une combinaison d’outils statistiques intelligents adaptés au commerce spécifique serait plus efficace. Il reconnaît que Lokad travaille encore à relever les défis de la supply chain alimentaire.

Jonard discute de l’importance d’utiliser des prévisions pour soutenir les décisions commerciales et met l’accent sur les avantages de l’approche de planification des ventes et des opérations (SNOP). Il estime que les outils de simulation de base et la communication régulière entre les parties prenantes sont plus précieux que des outils sophistiqués. Jonard soutient également l’automatisation des décisions de base pour éliminer le besoin de gestion manuelle des feuilles de calcul. Il met en garde contre l’application de l’intelligence artificielle dans les supply chains et souligne la nécessité de comprendre et d’utiliser correctement la technologie.

Lorsqu’on lui demande quel est l’avenir de l’industrie alimentaire, Vermorel ne voit pas de limite à l’ingéniosité humaine et estime que la technologie peut continuer à faire baisser les coûts tout en améliorant les performances professionnelles. Il cite l’exemple des vignobles modernes et de la façon dont la technologie a amélioré la vinification.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle, Vermorel suggère de se concentrer sur une meilleure utilisation de l’intelligence naturelle plutôt que de poursuivre l’IA avancée. Il propose d’augmenter l’intelligence en conservant les connaissances et en capitalisant sur l’expertise existante, qu’il considère comme une force motrice pour réduire les coûts et améliorer la qualité et l’exécution dans l’industrie alimentaire au cours de la prochaine décennie.

La discussion se conclut par les deux invités soulignant l’importance d’adapter la technologie aux besoins spécifiques de l’industrie alimentaire et de tirer parti de l’expertise humaine pour optimiser les chaînes d’approvisionnement.

Transcription complète

Kieran Chandler: Aujourd’hui sur lokad TV, nous sommes ravis d’accueillir Olivier Jonard, qui va discuter avec nous de certaines des complexités de la supply chain dans l’industrie alimentaire et de la façon dont la technologie peut nous aider à garder nos estomacs pleins. Donc, Olivier, merci beaucoup de nous rejoindre aujourd’hui. Et comme toujours, nous aimerions en savoir un peu plus sur nos invités avant de commencer. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous-même.

Olivier Jonard: Oui, bien sûr. Je suis ravi de participer. Merci beaucoup pour cette opportunité. Je suis dans la supply chain depuis près de 25 ans déjà, et environ 20 ans dans l’industrie alimentaire. J’ai commencé chez Nestlé juste après 2000, puis j’ai rejoint un autre producteur de jus en Allemagne. Depuis 2019, je travaille pour Agromousquetaires, la partie industrielle du célèbre distributeur Les Mousquetaires Intermarché. C’est célèbre en France car c’est l’un des plus grands, également présent un peu en Pologne, au Portugal et en Belgique.

Kieran Chandler: Génial. Aujourd’hui, Joannes, nous allons discuter de certains des défis de la supply chain dans l’industrie alimentaire, une industrie qui existe depuis l’époque des hommes des cavernes. Pourquoi est-ce si complexe ?

Joannes Vermorel: C’est complexe, tout d’abord, parce que c’est périssable. Il est beaucoup plus facile de stocker des pièces de voiture ; vous n’avez pas à contrôler la température, à rechercher des contaminations ou à vous soucier des mains sales lors de la manipulation des pièces. Mais dans l’industrie alimentaire, c’est un gros problème. Vous avez toutes ces complexités, plus l’incertitude du côté de la demande, comme c’est habituel dans toute supply chain, mais vous avez aussi l’incertitude du côté de la production. Vous avez des rendements incertains, que vous regardiez combien de céréales vous allez obtenir de la récolte ou combien de poissons vous allez obtenir si vous envoyez un bateau en mer. Il y a un degré d’aléatoire du côté de la production, et cela complique le domaine. Étant donné que cette industrie est fortement standardisée sur de nombreux produits, vous avez également des marchés mondiaux, et donc une autre incertitude, qui est les prix fluctuants. Vous vous retrouvez avec des produits plus compliqués à déplacer, plus susceptibles de se perdre, de s’endommager, de se gâter ou de se contaminer, et vous n’êtes pas sûr de combien vous allez en avoir et du prix que vous allez obtenir. Tout cela rend les choses assez difficiles. Cette industrie a trouvé des solutions pour mettre en œuvre des solutions de supply chain modernes il y a presque un siècle, à une époque où il n’y avait pas d’ordinateurs, ce qui présente un autre ensemble de défis - la numérisation, car c’était une industrie qui était solidement établie bien avant l’avènement des ordinateurs et d’Internet.

Kieran Chandler: Olivier, qu’en pensez-vous ? Je sais qu’Intermarché est définitivement un supermarché.

Kieran Chandler: Donc, les supermarchés ont tendance à se vanter d’avoir des prix très bas. Comment cette emphase sur le coût impacte-t-elle les choses, peut-être pour un planificateur de la demande ?

Olivier Jonard: Oui, le prix est toujours le premier critère pour un client lorsqu’il choisit un supermarché pour acheter ses produits quotidiens ou hebdomadaires à cuisiner à la maison. Le prix est certainement un facteur critique, même si ces dernières années, la qualité a pris de la valeur, et l’origine des produits est également un facteur. Les clients se demandent si les agriculteurs sont correctement rémunérés lorsqu’ils achètent un produit. Tous ces facteurs jouent un rôle, mais le prix reste le critère le plus important. Bien sûr, il y a une énorme concurrence sur ce marché. Même si la plupart des marchés sont matures, de nouveaux produits arrivent toujours, une nouvelle concurrence et de nouveaux entrants. La concurrence est assez rude, et la diversité des produits est énorme, ce qui rend également complexe pour une entreprise de concurrencer et de lancer des produits. Lorsque vous voulez rester dans le jeu, vous devez lancer de nouveaux produits. Combien d’argent vous pouvez investir dans le lancement d’un produit est toujours délicat car vous ne pouvez généralement pas soutenir ce type d’investissement pendant longtemps. Vous devez avoir rapidement du succès ; sinon, vous devez retirer le produit de la vente. Donc, cela rend la supply chain complexe. L’un des principaux facteurs qui rendent la supply chain complexe est vraiment le prix, qui demande de l’attention dans tout ce que vous faites. Vous devez être intelligent dans la façon dont vous vous approvisionnez, produisez, distribuez et anticipez les choses.

Kieran Chandler: Et Joannes, l’une des autres choses sur lesquelles de nombreux supermarchés se concurrencent est la qualité et la qualité des produits, ce qui va souvent à l’encontre du prix. Qu’en pensez-vous de cet équilibre entre le prix et la qualité ?

Joannes Vermorel: Tout d’abord, la plupart des supermarchés, y compris Intermarché, jouent assez bien ce jeu en proposant toute une série de compromis. Vous avez le premier prix, et généralement, vous avez la marque du supermarché ou les marques privées. Chez Intermarché, la spécificité est que les marques privées sont un peu cachées dans les magasins. Évidemment, ce n’est pas un secret, mais elles ne sont pas marquées comme Intermarché ou comme la marque Carrefour. Au lieu de cela, ce sont des marques qui se tiennent seules et qui sont généralement l’option intermédiaire. Ensuite, vous avez les marques nationales plus chères, celles qui peuvent dépenser de l’argent en publicité à la télévision, par exemple. La première solution pour l’équilibre entre le prix et la qualité, ou la qualité perçue, est d’avoir plusieurs choix, ce qui rend également la supply chain encore plus compliquée car vous avez plus d’options à gérer. C’est une partie de la réponse. Ensuite, en effet, dans de nombreux pays, je pense que l’équilibre entre le prix et la qualité est quelque chose que les supermarchés doivent prendre en compte pour répondre aux besoins divers de leurs clients.

Kieran Chandler: En France, nous avons quelque chose comme, je ne suis pas sûr si mes statistiques sont correctes, mais je pense que c’est quelque chose comme un tiers des personnes en France qui finissent leur mois avec seulement 50 euros ou moins de surplus à la fin du mois. Donc, ce n’est pas qu’ils sont pauvres, c’est juste que lorsque vous regardez tout ce qu’ils dépensent ou qu’ils gagnent, le delta est inférieur à 50 euros. Donc, en effet, lorsque vous avez un budget serré, cela signifie que la nourriture va faire une différence. Si vous dépensez un ou deux euros de plus par jour pour votre nourriture, cela va faire une différence. Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’Olivier vient de dire, la nourriture reste une part importante du budget de dépenses, surtout pour les personnes qui ne sont pas particulièrement riches, pas particulièrement pauvres, mais simplement pas particulièrement riches. C’est un aspect très important.

Olivier Jonard: Oui, je suppose que pour les 10 prochaines années, nous devrons réfléchir à la façon de rendre la nourriture encore plus lokad qu’elle ne l’est aujourd’hui. Vous avez tout à fait raison, au cours des 30 dernières années, vous avez vu de nombreux exemples de nourriture parcourant 20 000 kilomètres autour de la planète pour être préparée, emballée, reconditionnée, puis distribuée au consommateur final. Maintenant, la tendance est plutôt, surtout avec la crise du COVID, qui a mis en évidence la supply chain et a également montré à quel point la supply chain peut être fragile. Mais ce n’est pas seulement ça. Nous constatons certainement une tendance des consommateurs à s’assurer que le produit qu’ils consomment provient de leur région. Ainsi, vous voyez déjà certaines villes en France qui essaient de calculer quelle quantité de nourriture que les citoyens de la ville consomment provient en réalité, disons, de 50 kilomètres autour ou de 100 kilomètres autour. Et certainement, les modèles qui ont été construits au cours des deux ou trois dernières décennies ne sont pas en mesure de répondre à ce type de demande car il est déjà difficile de mesurer. Et puis, la tendance a toujours été d’être bon marché, d’apporter des économies d’échelle. Donc, vous devez construire des produits dans une grande usine. Et c’est aussi un bon point pour la supply chain : est-ce que cela a vraiment du sens d’avoir une grande usine ou deux petites usines, etc. ? Donc, vous pouvez voir, pour prendre juste un exemple, si vous regardez les couches pour bébés, il n’y a qu’une poignée d’usines qui fonctionnent encore en France, et l’une d’entre elles est d’Agromousquetaires, mais je ne la mentionnerai pas. Mais c’est juste cet exemple qui montre que la supply chain du passé a définitivement été plus axée sur les économies d’échelle et le partage entre les frontières, notamment en Europe où cela semble.

Kieran Chandler: Vous connaissez des distances plus courtes, mais euh, donc une ou deux usines pour l’Europe pour produire tout, et nous constatons certainement une tendance qui ne va pas changer du jour au lendemain car dans l’alimentation en général, les choses ne changent pas du jour au lendemain, mais nous constatons certaines tendances dans cette direction, donc nous devons commencer à réfléchir à la façon dont nous pouvons relocaliser ce que nous produisons et comment cela impacte ou la manière dont nous distribuons car il n’est pas nécessairement facile de distribuer, disons, 10 petites usines vers 20 grandes villes, puis à partir de grandes usines, de grands centres de distribution qui peuvent s’étendre dans tout le pays. D’accord, Joannes, regardons peut-être maintenant les choses d’un point de vue prévisionnel. Euh, qu’est-ce que nous devrions optimiser et sur quels types de décisions devrions-nous nous concentrer dans l’industrie alimentaire?

Joannes Vermorel: Et la chose est, d’une certaine manière, hautement prévisible. Vous savez, nous sommes, c’est juste, je dirais, parfois nous disons que l’incertitude est irréductible, etc. Oui, mais en ce qui concerne l’alimentation, je veux dire, littéralement, les gens doivent manger, donc il n’y a pas tant d’incertitude à ce sujet, vous savez, ces schémas sont très stables dans l’ensemble, dans l’ensemble je dirais, car ensuite le problème est que vous pouvez toujours avoir beaucoup d’incertitude malgré le fait que les gens mangent, vous savez, il y a très peu de variation dans la quantité que les gens mangent, vous savez, et jour après jour, et quel genre de budget ils ont. Donc ces valeurs macro sont très stables. Je veux dire, elles changent, vous savez, légèrement en fonction du temps mais, mais, euh, je dirais même que même une année comme 2020, 20 qui était très exceptionnelle, vous savez, à bien des égards, euh, avec la pandémie, je suis assez sûr qu’en termes de dépenses alimentaires, c’est probablement l’un des domaines qui a été le moins impacté par ces variations massives par rapport, disons, à la mode ou au luxe doux, vous savez, qui peuvent être beaucoup plus dramatiquement impactés. Mais ensuite, vous pouvez toujours avoir beaucoup de facteurs qui rendent très difficile la prévision en pratique lorsque vous êtes l’un des acteurs de ce jeu.

Olivier Jonard: Pourquoi c’est parce que encore une fois, si nous revenons à cette idée que, euh, que le prix compte beaucoup, cela signifie que les gens réagiront fortement aux prix et devinez quoi, c’est l’une de ces industries où les gens font énormément de promotions tout le temps, donc même si la consommation globale est très stable, si vous avez des promotions, vous savez, vous allez déplacer la demande à droite et à gauche et vous en tant qu’acteur sur le marché, vous pouvez voir une réaction relativement chaotique du marché simplement parce que je dirais que parfois vous faites vous-même une promotion, le reste du temps c’est l’un de vos concurrents qui en fait une de son côté et donc vous voyez beaucoup de variations et puis euh vous avez un autre aspect, c’est que vous avez un énorme potentiel de substitution, vous savez, euh, je veux dire oui évidemment les végétaliens ne vont probablement pas opter pour une promotion de viande euh mais euh évidemment vous avez des tonnes par conception, vous savez, vous pouvez vous avez des tonnes de substitutions qui sont possibles lorsque vous regardez les fruits frais, vous savez, vous pouvez choisir n’importe lequel des 15 ou 20, vous savez, fruits frais, fruits frais qui sont exposés et et tous sont vous savez une option, il n’y a pas de contraintes strictes sur ce que vous voulez consommer donc euh si vous combinez la sensibilité au prix plus le fait que vous avez comme des possibilités de substitution très très élevées euh cela crée je dirais des choses très significatives

Kieran Chandler: Donc, dans l’alimentation, le défi est que vous êtes confronté à ces viabilités sur des choses qui sont très importantes en termes de masse, simplement en termes d’échelle de la supply chain dans la marge. Et vous devez faire face à cela, ce qui rend les choses très, très difficiles. D’accord, Olivia, seriez-vous d’accord avec cela? Diriez-vous que les choses sont assez prévisibles de votre côté ou pourriez-vous avoir besoin d’une meilleure appréciation de la demande et que ce serait quelque chose de bien à avoir?

Olivier Jonard: La nourriture est généralement assez stable et assez facile, je dirais, à prévoir. Les gens achèteront du saumon fumé pour Noël. Je peux déjà vous le dire avec un haut niveau de certitude. Quand le soleil sort ou quand la température dépasse les 20 degrés, les gens boivent plus d’eau, plus de jus. S’il fait plus de 25, les gens ne boiront que de l’eau ou un peu plus de bière, etc. Donc, vous avez tous ces facteurs bien connus dans l’industrie, et nous savons que c’est facile à anticiper. Maintenant, oui, en plus de la fraîcheur du produit que vous ne pouvez pas conserver, vous savez que les saucisses ne peuvent pas être conservées trop longtemps, et nous ne pouvons pas attendre que le soleil se lève pour décider ou pouvoir les vendre quand les gens veulent les griller. Donc, vous devez vraiment faire très attention à la quantité de stock de ces saucisses que vous avez et à quand vous voulez le constituer afin de pouvoir réagir au premier week-end où les gens sortiront leur barbecue du garage et commenceront à faire des grillades. Donc, c’est une chose.

Olivier Jonard: Et je suis tout à fait d’accord avec Johannes que en Europe, nous sommes toujours accros aux promotions. Les consommateurs sont totalement accros aux promotions. Les promotions ont différents aspects dans différents pays. Elles peuvent être plus fortes dans certaines catégories en Allemagne, plus fortes au Royaume-Uni, un peu moins en France pour certaines catégories. Elles joueront un schéma différent au Royaume-Uni. Ils aiment ce “achetez-en un, obtenez-en un gratuitement”. En France, juste le pur, d’accord, prenons 60% de réduction sur le deuxième article que vous achetez, ce genre de chose. Et, comme je l’ai dit, c’est une énorme concurrence. Donc, un acteur fait une promo une semaine, est-ce que ça fonctionne bien en combinaison avec la météo? Avec un autre acteur ayant un problème sur sa ligne de production, ces choses peuvent être un peu désordonnées d’une semaine à l’autre. Et nous avons tous nos propres exemples d’effets totalement surprenants que personne n’a anticipés une semaine ou une autre. Donc, c’est certainement délicat. Mais je dirais que dans mon entreprise, certaines usines qui fonctionnent presque sans aucune prévision du tout, elles utilisent simplement leur budget. C’est bon en octobre, nous savons que nous faisons plus ou moins cela. Voici combien nous devons produire par semaine, et ensuite ils se basent simplement sur le stock. Et bien sûr, c’est plus facile pour certaines catégories où vous pouvez réellement avoir un stock et pour d’autres, mais vous savez que dans de nombreuses usines, la prévision n’a pas été considérée comme un aspect critique de la rentabilité. Cela change, et nous pouvons toujours nous améliorer, mais pour voir à quel point certaines productions peuvent être stables.

Kieran Chandler: D’accord, je ne vais pas m’engager dans ce genre de terrier de lapin des différences d’attitudes envers la nourriture au Royaume-Uni par rapport à ici en France parce que je pense qu’en France, ils ont des opinions assez fortes à ce sujet. Johannes, peut-être jetons un coup d’œil à certaines des…

Kieran Chandler: Quels sont les défis de la supply chain qui ne sont toujours pas résolus? Y a-t-il quelque chose qui n’a pas encore été tenté et que vous pouvez voir comme un domaine à exploiter vraiment?

Joannes Vermorel: Beaucoup de choses ont été tentées, pas nécessairement avec succès. Ce que je peux voir, c’est que clairement cette idée, si vous regardez les supply chains traditionnelles et les logiciels d’entreprise qui les desservent, la plupart sont vraiment orientés vers des situations FMCG naïves où il n’y a aucune incertitude sur la production, aucun incertitude sur le prix, et où la cannibalisation et les promotions sont principalement inexistantes. Je plaisante à moitié. Regardez le leader du marché des ERP, SAP, qui est apparu en servant principalement l’industrie automobile en Allemagne. Vous avez une supply chain qui est complètement simple. Les constructeurs automobiles ont des voitures de différentes tailles, donc il n’y a pas de substitution entre une petite voiture et une grande voiture, car elles ont des budgets et des prix différents. Il y a très peu d’incertitude du côté de la production. Je dirais que les outils traditionnels pour les supply chains ne conviennent pas vraiment à l’industrie alimentaire.

En termes d’analyse, il y a très peu d’entreprises, à part Lokad, qui se soucient vraiment de la substitution et de la cannibalisation. Il y a très peu d’entreprises qui se soucient vraiment d’embrasser l’incertitude, d’embrasser l’idée que, par exemple, une promotion va considérablement augmenter l’incertitude que vous avez sur votre supply chain. Cela va augmenter le volume, oui, mais cela va aussi augmenter la quantité d’incertitudes que vous avez sur votre supply chain. Je crois qu’il y a encore beaucoup à faire, mais la plupart des approches naïves ont déjà été essayées et testées, et elles ne fonctionnent pas vraiment bien. C’est l’une des raisons pour lesquelles, par exemple, Agromousquetaires peut être l’un des principaux acteurs, être super compétitif sans prévisions, car la manière naïve de faire des prévisions, où vous ignorez complètement l’incertitude, fonctionne assez mal. Les personnes intelligentes dans le commerce réel ont tendance à surpasser les personnes intelligentes dans les outils statistiques si les outils statistiques sont inadéquats.

Je crois que nous avons besoin d’une combinaison des deux : quelque chose qui soit intelligent en termes de statistiques mais qui corresponde également à la vision de l’entreprise, et c’est difficile. C’est certainement l’une des choses que nous poussons fortement chez Lokad, mais je ne dirais pas que nous avons encore conquis le monde des supply chains alimentaires.

Kieran Chandler: Olivier, en regardant vers l’avenir, quels sont les nouvelles tendances qui pourraient émerger? Vous avez récemment parlé de cette idée de guichet unique. Quelle est l’idée derrière cela, et que pouvez-vous voir pour l’avenir?

Olivier Jonard: Je vais parler un peu de ce que Joannes a dit parce que je pense, pas sur tout, mais sur la façon d’utiliser les prévisions pour soutenir…

Kieran Chandler: la décision que nous prenons pour l’entreprise, et vous savez, bien sûr, après 25 ans dans la supply chain, j’ai traversé toute cette approche SNOP qui, je pense, apporte beaucoup en termes de processus car elle oblige les gens à discuter régulièrement pour voir et se mettre d’accord sur la façon dont ils voient l’avenir. Et quand je parle de l’avenir, pas nécessairement de la prochaine décennie, mais au moins des deux prochaines semaines, des deux ou trois prochains mois, peut-être de la saison. Avoir toutes les parties assises ensemble en même temps et discuter, d’accord, comment voyez-vous la saison des boissons? Quand devrions-nous commencer à constituer des stocks? Et si l’été arrive plus tôt ou s’il y a une vague de chaleur en mai? Sommes-nous prêts pour cela?

Olivier Jonard: Juste le fait d’avoir cette discipline de se parler régulièrement et de réfléchir à l’avenir est vraiment utile. Donc oui, vous avez besoin d’un outil quelconque pour vous aider à visualiser ce que cela signifie pour le format de 1,5 litre ou d’un litre. Vous avez besoin d’une base de discussion. Est-ce que cela passe par les lignes de production du sud ou du nord? Et si les gens partent de France en vacances? Donc, ce type de défis et de scénarios que vous pouvez construire n’ont pas nécessairement besoin d’outils super sophistiqués pour le faire. Mais au moins une simulation de base, des outils de base, des chiffres de base pour discuter, et avoir des personnes assises ensemble, c’est déjà un avantage.

Et aussi, je suis d’accord avec Joannes sur le fait que les supply chains sont si différentes que vous n’avez jamais un outil universel qui peut résoudre tous vos problèmes. Vous ne pouvez pas simplement ajuster quelques paramètres et être prêt. Ça ne marche pas. La connaissance, je veux dire, il est beaucoup plus important de s’appuyer sur la connaissance des personnes qui peuvent vous dire les limites de ces lignes, les risques liés aux fournisseurs, les risques liés aux emplacements de stockage. Rassembler des informations auprès de personnes qui savent vraiment ce qu’elles font au quotidien est vraiment essentiel, plus que des outils sophistiqués qui, d’après mon expérience, ne fonctionnent jamais vraiment au même niveau.

Donc, là où je suis également d’accord avec ce que j’ai vu de Lokad, c’est l’automatisation de certaines des décisions de base. Cela peut apporter beaucoup de valeur car alors vous n’avez pas de personnes qui luttent avec des feuilles de calcul Excel pour décider de ce qu’elles doivent produire la semaine prochaine ou demain. Nous avons ce type d’automatisation. Mon stock est celui-ci, je m’attends à vendre plus comme ça. D’accord, produisons cela et distribuons cela à mes clients. Cela fonctionne très bien.

Joannes Vermorel: Ouais, je crois vraiment que nous devons encore ajuster ou comprendre comment la technologie peut nous aider, et cela ne vient pas de ce que nous avons vu ou entendu même de l’intelligence artificielle, qui est présente dans toutes les supply chains. Nous devons être très prudents quant à la façon dont nous comprenons et dont nous pouvons appliquer ces nouveaux types d’outils.

Kieran Chandler: D’accord, et Joannes, qu’en est-il de vos réflexions pour l’avenir? Je veux dire, l’industrie alimentaire est une industrie qui a été si centrée sur les coûts pendant si longtemps, mais évidemment il y a des sujets comme le bien-être animal, combien de produits chimiques nous utilisons dans notre agriculture, et des choses comme ça. Pouvez-vous encore voir l’industrie alimentaire continuer à faire baisser les prix, ou est-ce une tendance qui va changer?

Kieran Chandler: Pour commencer, pouvez-vous me donner votre avis sur les limites de la baisse des prix et sur la façon dont les emplois peuvent être bien faits grâce aux avancées technologiques?

Joannes Vermorel: Je ne pense pas qu’il y ait de limite particulière à l’ingéniosité humaine. Des choses qui étaient considérées comme presque impossibles il y a un siècle sont maintenant faites régulièrement. Donc, je ne suis pas trop inquiet. Évidemment, c’est un processus lent, mais la technologie évolue. Par exemple, mes parents ont des vignobles, et je peux voir que l’on ne fait plus du vin de la même manière qu’il y a deux décennies. Les choses ont beaucoup changé pour le mieux.

Olivier Jonard: Juste pour ajouter à ce que Joannes a dit, je pense que dans la prochaine décennie, surtout dans des métiers comme l’industrie alimentaire, nous n’avons pas besoin de plus d’intelligence artificielle. Nous devons simplement mieux utiliser l’intelligence naturelle que nous avons déjà. En ce moment, les entreprises ne capitalisent pas sur l’intelligence qu’elles possèdent. Elles la consomment, et tout est un peu jeté et répété. Si vous pouvez avoir une technologie qui capitalise un peu chaque jour sur cette intelligence, cela fera déjà beaucoup. Donc, mon point de vue est plutôt que le contrepoids à l’intelligence artificielle serait simplement l’intelligence augmentée. Augmentée non pas naturellement en rendant les gens beaucoup plus intelligents, mais simplement en conservant certaines des connaissances précédentes afin de les capitaliser. C’est un objectif plus modeste, mais je ne parle pas pour le prochain siècle, juste pour la prochaine décennie. Et ma perception pour l’alimentation serait que si nous pouvons simplement amener la technologie là où nous pouvons capitaliser sur l’expertise des personnes, sur les technologies qui fonctionnent bien avec les personnes qui sont en place et qui ont de l’expertise, cela sera déjà probablement l’une des forces motrices pour réduire davantage les coûts, améliorer encore la qualité et l’exécution.

Kieran Chandler: Merci à vous deux pour votre temps. C’est tout pour cette semaine. Merci beaucoup de nous avoir suivi, et nous vous retrouverons dans le prochain épisode. Merci de nous avoir regardés.