00:00:00 Introduction à Patrice Fitzner.
00:01:15 La transition de Fitzner de l’industrie automobile à la logistique chez La Redoute.
00:02:39 Ce que Patrice apprécie dans son travail.
00:03:25 Vue d’ensemble historique de la fondation du site.
00:04:47 Question sur les solutions technologiques pour les besoins de l’entreprise.
00:05:37 Explication du choix de la technologie et de l’approche du problème.
00:06:46 Importance de la robotique pour maintenir une productivité maximale.
00:07:31 Développement du site et planification de la capacité pour les pics de demande.
00:08:43 Question sur le plus grand défi et les tendances pour la prochaine décennie.
00:09:51 Le déplacement du défi du traitement des commandes vers la distribution.
00:10:57 Détail du processus de gestion des codes-barres en logistique.
00:12:05 Conseils pour les jeunes ingénieurs qui débutent en logistique.
00:13:01 Technologie et innovation en logistique.
00:14:03 L’importance de la transversalité et de la pression quotidienne.
Résumé
Dans une interview réalisée par Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, Patrice Fitzner, Directeur Logistique de La Redoute, discute de son rôle, qui inclut la gestion de 500 personnes et la supervision de la logistique des commandes clients. Malgré une fascination pour les robots high-tech, Fitzner partage qu’ils sont impraticables pour La Redoute en raison des contraintes d’espace et de la nécessité d’un site compact. À la place, La Redoute utilise la hauteur de son bâtiment pour l’efficacité. En abordant les défis logistiques futurs, Fitzner anticipe un déplacement vers les livraisons du dernier kilomètre avec des investissements dans le transport et la gestion des données. Il prodigue également des conseils aux jeunes ingénieurs envisageant une carrière en logistique.
Résumé étendu
La conversation se déroule à Roubaix, en France, sur un site industriel de La Redoute, client de Lokad, une entreprise de l’optimization de la supply chain. Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, réalise une interview avec Patrice Fitzner, Directeur Logistique de La Redoute.
Patrice, qui travaille pour La Redoute depuis 2010, raconte son parcours. Initialement issu de l’industrie automobile, il a rejoint La Redoute pour contribuer à révolutionner son système logistique, en appliquant des stratégies et des connaissances acquises dans son industrie précédente.
Il supervise le flux des commandes clients et des marchandises, depuis la passation de commande jusqu’à la livraison finale, gérant la logistique d’environ 30 articles depuis un site externalisé près de Valence. Ses responsabilités incluent également la gestion des flux entrants et sortants ainsi que les livraisons aux clients.
Patrice affirme que, bien que son travail soit technique et orienté vers les projets, son cœur reste la gestion. Avec plus de 500 personnes sous sa direction, son rôle consiste à autonomiser son équipe et à lui fournir une compréhension claire de leur rôle dans la satisfaction client.
La conversation se tourne vers le site industriel lui-même, véritable symbole de modernité malgré les 187 ans d’histoire de l’entreprise. Patrice explique comment ils ont recherché une solution pour gérer 3 500 commandes par heure, détenir plus de 300 000 références en stocks, et obtenir un délai de traitement de deux heures. Le défi était accentué par les contraintes physiques du site, de 40 000 mètres carrés et d’une hauteur de 10 à 12 mètres.
En recherchant une solution, La Redoute n’avait pas pour objectif d’acheter une solution technologique préexistante, mais plutôt de trouver une solution correspondant à leurs besoins de gestion des flux. Ils ont sondé le marché pour comprendre les possibilités technologiques.
Joannes reconnaît la fascination des médias grand public pour les robots high-tech, citant la stratégie marketing d’Amazon qui présente une image futuriste.
Vermorel ouvre la conversation en s’interrogeant sur les avancées technologiques actuelles en logistique, en mettant particulièrement l’accent sur la fascination généralisée pour les robots. Malgré l’absence de robots dans les opérations de La Redoute, Vermorel reconnaît un niveau significatif de mécanisation et de productivité. Il invite Fitzner à partager son point de vue sur ce choix technologique.
Fitzner explique que leur approche est dictée par leur infrastructure physique et leur gamme de produits, qui se compose d’environ 300 000 articles. Pour accommoder cette gamme, ils nécessitent un site compact. Selon lui, les robots exigeraient un espace supplémentaire, c’est pourquoi ils exploitent toute la hauteur de leur bâtiment pour maintenir l’efficacité. Ils atteignent une capacité de pointe de 12 000 articles par heure avec environ 100 employés, ce qui, selon lui, pourrait être difficile à réaliser avec la technologie robotique.
La conversation se déplace vers les pics de demande spécifiques aux événements, Vermorel notant l’influence du Black Friday, initialement un phénomène américain, désormais important en France également. Fitzner explique que La Redoute a conçu son site en tenant compte de ces périodes de pointe. Leur capacité maximale de commandes est de 3 500 commandes par heure, calculée en fonction de la variance observée. Pour gérer les pics, ils ajoutent un troisième shift, et des intérimaires sont recrutés pour aider.
Réfléchissant à son parcours professionnel, qui a débuté à La Martinoise (l’ancien site logistique de La Redoute), Fitzner reconnaît l’énorme transformation des activités logistiques au cours de la dernière décennie. Interrogé sur les défis futurs de la logistique, il prédit que l’accent se déplacera du traitement des commandes vers les livraisons du dernier kilomètre, en tenant compte des enjeux environnementaux. Il anticipe d’importants investissements dans le transport et la gestion des données afin d’améliorer les livraisons du dernier kilomètre et d’offrir un meilleur service client. Il envisage que l’utilisation des données jouera un rôle significatif pour notifier les clients de toutes disruptions lors de la livraison.
Vermorel intervient, exprimant son vif intérêt pour le rôle des données dans ce contexte, notant que le site physique de l’opération logistique est couvert de fibres optiques, indiquant un flux de données énorme. Il considère ces données comme un outil de diagnostic pour identifier et rectifier les problèmes au sein de l’opération logistique.
En réponse, Fitzner fait la distinction entre deux types de données utilisées dans leur opération logistique. La première concerne les données techniques, relatives aux problèmes potentiels dans le processus, et la seconde se rapporte à la qualité des produits et des clients. Il explique qu’en logistique, ils ne gèrent pas les produits mais plutôt les codes-barres. Si quelque chose ne va pas avec un code-barres, cela pourrait entraîner des problèmes d’identification client ou de reconfiguration. Par conséquent, ils doivent disposer d’une traceability robuste à chaque étape pour identifier où se produisent les problèmes. Selon Fitzner, la capacité à disposer de ce type de données leur permet d’apporter des améliorations quotidiennes et de réduire le taux de défauts pour le client.
Au fur et à mesure que la conversation évolue, Vermorel mentionne que l’audience de Lokad TV se compose de nombreux jeunes ingénieurs, comme en témoignent les questions posées sur leur plateforme. Il demande à Fitzner de prodiguer des conseils à ces jeunes ingénieurs souhaitant débuter une carrière en logistique.
Fitzner identifie la logistique comme un domaine prometteur pour les ingénieurs industriels. Il affirme que la logistique offre une large gamme de postes au sein des équipes projets et de la gestion. Il note que ce secteur fait l’objet d’investissements significatifs, faisant de cette période un moment passionnant pour ceux qui aiment mettre en œuvre de nouvelles technologies et processus. Il souligne par ailleurs que la logistique, étant un domaine avec d’importants investissements, offre l’opportunité de travailler sur des projets intéressants.
Interrogé sur les qualités qu’il apprécie au sein de son équipe, compte tenu de son rôle de supervision d’un groupe important de 500 personnes, Fitzner mentionne la curiosité, la capacité à travailler en équipe et à gérer les pressions quotidiennes comme étant essentielles. Il insiste sur le fait que la logistique est un flux d’opérations continu et incessant, nécessitant une attention constante pour garantir la satisfaction client.
L’interview se conclut avec Vermorel remerciant Fitzner pour ses éclairages, indiquant que la conversation se poursuivra avec d’autres invités de La Redoute lors de futurs épisodes.
Transcription complète
Joannes Vermorel : Comme vous l’avez remarqué, nous ne sommes plus au Kansas. Nous ne sommes pas exactement dans les bureaux de Lokad ; nous sommes à Roubaix, dans le nord, ou plus précisément, dans une ville du nord de la France. Je suis ravi d’être sur un site industriel de La Redoute, qui est client de Lokad depuis quelques années. Aujourd’hui, c’est un plaisir pour moi d’être invité par Patrice Fitzner, qui se trouve être le Directeur Logistique de La Redoute. Pourriez-vous nous parler un peu de votre carrière, de ce qui vous a conduit à La Redoute il y a plus d’une décennie ?
Patrice Fitzner : Oui, je travaille pour La Redoute depuis 2010, donc depuis plus de 10 ans maintenant. Avant cela, je travaillais dans l’industrie automobile en tant que directeur d’usines. J’ai décidé de passer de cette industrie à La Redoute parce qu’à l’époque, il y a 10 ans, il existait déjà un projet de transformation de la logistique de La Redoute. Venant de l’industrie automobile, qui est très efficace, je pensais qu’il serait très intéressant de transposer mes connaissances de l’automobile à l’industrie logistique de La Redoute.
Joannes Vermorel : Il s’agit d’un site industriel assez vaste. Pourriez-vous expliquer l’étendue de vos responsabilités actuelles dans votre rôle ?
Patrice Fitzner : Je suis responsable du flux des commandes clients et du flux des marchandises, depuis la passation de commande jusqu’à la livraison finale au domicile du client. Nous externalisons également environ 30 articles près de Valence, et je gère l’ensemble, incluant la logistique, les flux entrants et sortants, ainsi que les livraisons aux clients.
Joannes Vermorel : Vous avez pas mal de responsabilités, à la fois au sens littéral, car l’endroit est assez grand, et au sens figuré. Qu’appréciez-vous le plus dans vos responsabilités ?
Patrice Fitzner : Dans le département de la logistique, nous sommes plus de 500 personnes. Nous gérons des problèmes techniques et des projets, qui font partie du métier, mais le principal objectif de mon rôle est la gestion. Mon rôle consiste à impliquer les gens et à partager avec eux l’esprit de service client, à leur donner un sens et une compréhension claire de leur rôle dans la satisfaction globale du client.
Joannes Vermorel : La Redoute a été fondée, je pense, il y a environ 187 ans, mais clairement ce site n’est pas une installation du 19e siècle. Il est évidemment extrêmement moderne. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce site industriel précis qui constitue le principal hub pour le flux de La Redoute ?
Patrice Fitzner : Au départ, nous ne voulions pas acquérir une solution technologique existante. Notre exigence portait sur le flux. Nous voulions gérer 3 500 commandes par heure avec plus de 300 000 références en stocks et avec un délai de traitement de deux heures. C’était la condition préalable du produit. Ensuite, nous avons examiné le marché et nous nous sommes demandé : « Comment pouvons-nous atteindre cela ? » Nous avons également pris en compte la taille du site, de 40 000 mètres carrés, utilisable à une hauteur de 10 mètres, et avons sondé le marché sur le type de technologie qui pourrait nous aider à atteindre ces objectifs.
Joannes Vermorel : J’observe le marché de la logistique depuis un bon moment et ce que l’on voit souvent dans les médias grand public, ce sont des robots super sophistiqués. Amazon réalise évidemment un énorme coup marketing avec eux. C’est très futuriste et impressionnant, du moins du point de vue d’un non-spécialiste. Ici, je ne vois pas de robots, mais je constate un niveau de mécanisation énorme. Clairement, il s’agit d’un site intensivement mécanisé avec un très haut niveau de productivité, même sans ces petits robots. Pourriez-vous nous donner votre point de vue sur ce choix technologique et sur la manière dont vous abordez un tel problème ?
Patrice Fitzner : Notre choix s’est basé sur le bâtiment dont nous disposons et sur la gamme de notre offre – nous stockons environ 300 000 articles. Nous avons besoin d’un site très compact. Avec des robots, on utiliserait un mètre ou deux supplémentaires de la surface globale. Nous utilisons toute la hauteur de notre bâtiment. Un point concerne la capacité de pointe globale. Nous avons une capacité de pointe de 12 000 articles par heure avec presque 100 personnes sur site. C’est très productif. Pour atteindre ce genre de pic avec un nombre limité de personnes, je ne pense pas que la technologie robotique soit le meilleur choix.
Joannes Vermorel : Cela m’amène à un phénomène intéressant – le Black Friday. Bien que la France ne soit pas les États-Unis, nous avons adopté le Black Friday, et c’est devenu un événement énorme. C’est une bonne période pour La Redoute car elle entraîne un afflux massif de commandes. Quelle est votre stratégie principale pour faire face à ce pic spécifique de demande, étant donné qu’il y a le Black Friday et quelques autres moments dans l’année ?
Patrice Fitzner : Lors de la conception du site, nous l’avons pensé en fonction de la capacité de pointe. Le pic est de 3 500 commandes par heure. Nous n’avons pas ce nombre de commandes chaque jour, chaque heure. C’est le maximum que nous pouvons gérer. Il est également calculé en fonction de la variance importante que nous constatons. Deuxièmement, nous travaillons en deux équipes. Pour des périodes comme le Black Friday, nous ajoutons un troisième shift, notamment une équipe de nuit. Cela nous donne 30 % de capacité supplémentaire. Nous faisons également appel à des intérimaires pour nous aider lors de ces périodes de forte demande.
Joannes Vermorel : Comparé à votre parcours personnel, vous avez débuté à La Martinoise, l’ancienne branche logistique de La Redoute. Ce site est évidemment radicalement différent, bien plus moderne. Vous avez constaté une transformation remarquable de l’activité logistique au cours de la dernière décennie. Quel est, selon vous, le plus grand défi pour la décennie à venir ? Quels sont les défis centraux et les principales tendances pour l’avenir de la logistique ?
Patrice Fitzner : Je pense que l’industrialisation du traitement des commandes est en cours. Les défis à venir concerneront les livraisons du dernier kilomètre. Nous faisons face à un très grand défi en matière de changement climatique. J’anticipe de nombreux investissements dans les transports et la gestion des données pour mieux gérer la livraison du dernier kilomètre et améliorer le service client. L’utilisation des données pour anticiper les problèmes lors des livraisons sera importante. Je pense que le défi consiste à passer du traitement des commandes à la distribution. Ce sera un défi majeur pour la prochaine décennie.
Joannes Vermorel : Je constate que l’ensemble du bâtiment est littéralement couvert de fibres optiques. Il semble qu’un flux énorme de données circule, vous permettant de suivre chaque unité dans son emplacement. Voyez-vous les données comme un outil pour diagnostiquer les problèmes et améliorer l’activité ?
Patrice Fitzner: Oui, nous avons deux sortes de données. D’abord, il y a les données techniques que nous utilisons pour résoudre tout problème technique dans le processus. Ensuite, nous avons des données concernant les produits et la qualité client. Lorsque nous détectons un problème de qualité, parce que nous gérons les codes-barres et non les produits en logistique, nous sommes capables de retracer chaque étape pour voir où cela s’est produit. Il est très important d’avoir des données pour faciliter l’amélioration quotidienne et réduire le taux de défauts pour les clients.
Joannes Vermorel: Selon les statistiques de YouTube, notre audience comprend pas mal de jeunes ingénieurs. Quel conseil donneriez-vous à un jeune ingénieur qui souhaite débuter dans ce domaine de la logistique?
Patrice Fitzner: Tout d’abord, je crois que la logistique est un nouveau domaine pour les ingénieurs industriels. Nous avons toutes sortes d’emplois en gestion de projets et en leadership parce que nous travaillons avec un très grand nombre de personnes. Il y a beaucoup d’investissements aujourd’hui dans la logistique et la supply chain. Si vous êtes ingénieur, vous aimez créer de nouvelles choses et utiliser les nouvelles technologies. La logistique présente un nouveau terrain de jeu où l’on peut s’amuser car il y a beaucoup de choses à faire avec beaucoup d’investissements.
Joannes Vermorel: Vous gérez une grande équipe de 500 personnes. Quelles qualités appréciez-vous chez les personnes qui travaillent en étroite collaboration avec vous?
Patrice Fitzner: La curiosité, la capacité à travailler en équipe, la transversalité, et la capacité à travailler sous une pression quotidienne sont les qualités que j’apprécie. En logistique, le flux ne s’arrête jamais. Il faut être sur le sujet chaque jour car chaque jour vous envoyez des commandes aux clients. Pour satisfaire vos clients, il faut s’investir dans l’activité chaque jour.
Joannes Vermorel: Merci beaucoup pour toutes ces réponses. Le show doit continuer, mais ce sera tout pour aujourd’hui. Nous aurons d’autres interviews avec d’autres invités de La Redoute. Merci beaucoup.