00:00:05 Introduction et contexte.
00:01:23 Rôle et importance de la chaîne d’approvisionnement chez Air France.
00:02:08 Explication de la maintenance et du soutien de la chaîne d’approvisionnement.
00:03:00 Impact et coûts des retards de vol.
00:04:09 Implications coûteuses pour l’entreprise.
00:05:08 Développement du programme de maintenance et imprévisibilité des besoins.
00:06:20 Introduction aux plus grands défis de la chaîne d’approvisionnement aéronautique.
00:07:26 Rôle des données et de l’analyse dans la gestion des stocks.
00:08:49 Changement d’approche de la chaîne d’approvisionnement pour le succès de la maintenance.
00:09:56 Discussion sur l’optimisation de l’expérience de la chaîne d’approvisionnement.
00:10:49 Surprises de la collaboration avec Air France Industries.
00:11:55 Vision future de la chaîne d’approvisionnement d’Air France Industries.
00:13:01 Pertinence de la création de valeur dans la nouvelle approche.
00:14:01 Spéculation sur les employés devenant des experts en IA.
00:15:01 Décision de s’associer à des experts en IA.
00:16:04 Valeur future pour les clients d’Air France Industries.
00:17:01 Disponibilité des produits à l’heure et à un prix compétitif.
00:17:35 Remarques de clôture et remerciements chez Air France Industries.

Résumé

Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, interviewe Jacques Dauvergne, vice-président principal de la chaîne d’approvisionnement chez AFI, pour discuter de son parcours professionnel, des opérations d’AFI et des défis liés aux retards de vol. Dauvergne explique son rôle dans le développement de la direction de la chaîne d’approvisionnement d’AFI, qui soutient à la fois Air France-KLM et les compagnies aériennes tierces du monde entier. Il aborde les complexités de la chaîne d’approvisionnement aéronautique, en mettant l’accent sur l’équilibre entre la robustesse opérationnelle et les coûts. Dauvergne parle positivement des solutions innovantes de chaîne d’approvisionnement de Lokad, qui aident à optimiser les niveaux de stock. Leur partenariat, renouvelé et élargi, vise à identifier et résoudre de manière itérative les problèmes de chaîne d’approvisionnement d’AFI. Dauvergne affirme que le partenariat avec des entités comme Lokad permet à AFI de rester concentré sur la mécanique de maintenance.

Résumé étendu

Joannes Vermorel, fondateur de Lokad, mène une interview avec Jacques Dauvergne, vice-président principal de la chaîne d’approvisionnement chez AFI, à bord d’un avion chez Air France Industries. La conversation offre des informations sur la progression de carrière de Dauvergne, les opérations et la mission d’AFI, l’ampleur de leurs opérations et les implications des retards de vol pour les compagnies aériennes.

Dauvergne décrit son parcours professionnel avant de rejoindre Air France. Il a une longue histoire avec l’entreprise, ayant précédemment géré des domaines opérationnels tels que la maintenance de la flotte AC20. Il a également supervisé des projets stratégiques, notamment la transformation de départements entiers. De plus, il a été chargé de soutenir les opérations, ce qui démontre un rôle plus transversal par rapport à ses précédents postes.

Dans son rôle actuel chez AFI, Dauvergne dirige le développement d’une direction de la chaîne d’approvisionnement, un rôle qu’il occupe depuis environ un an. Auparavant, la chaîne d’approvisionnement était intégrée à un autre département d’Air France Industries. Sa tâche actuelle consiste à créer une organisation mondiale pour la chaîne d’approvisionnement de l’industrie d’Air France.

Dauvergne explique ensuite la mission d’AFI, soulignant que si le grand public connaît Air France en tant que compagnie aérienne, il peut ne pas comprendre le rôle d’AFI. Aux côtés de KLM, AFI est responsable de la maintenance des avions des deux compagnies aériennes, une responsabilité qui s’étend aux compagnies aériennes tierces du monde entier. Leurs services vont de la maintenance des avions et des moteurs à l’assistance à la chaîne d’approvisionnement, y compris la maintenance des composants et l’accès à leur inventaire.

Il donne ensuite une idée de l’ampleur des opérations d’AFI. Le groupe Air France-KLM exploite plus de 400 avions, effectuant plus de 1000 vols par jour. De plus, ils soutiennent plus de 200 entreprises tierces à l’échelle mondiale.

La discussion porte sur la question des retards de vol, qui, bien qu’exaspérants pour les passagers, sont également coûteux pour les compagnies aériennes. Dauvergne explique que l’expérience négative du client est leur principale préoccupation. De plus, l’effet en cascade qu’un retard sur le premier vol de la journée peut avoir, entraînant également des retards sur les vols suivants, entraîne d’importants défis de reprogrammation. Les implications financières sont également importantes, l’entreprise devant fournir des solutions directes aux clients tout en faisant face aux répercussions opérationnelles des retards.

Dauvergne souligne le coût élevé des problèmes de chaîne d’approvisionnement dans l’industrie de l’aviation, non seulement en termes de compensation directe au client, mais aussi en termes de coûts indirects au sein de la chaîne d’approvisionnement et des départements de maintenance. Il compare la chaîne d’approvisionnement de l’aviation à celle de l’industrie automobile, suggérant que l’industrie de l’aviation est confrontée à des défis plus spécifiques. Le volume de la demande dans l’aviation est très faible par rapport aux secteurs de la fabrication et la prévision de la demande peut être difficile en raison de sa nature imprévisible.

La maintenance est une question cruciale, avec la nécessité d’un programme proactif pour anticiper les pièces nécessaires. Cependant, lorsque des problèmes inattendus surviennent, l’industrie doit être très réactive et se procurer les pièces nécessaires dans un délai très court. Dauvergne souligne le caractère urgent de cette opération, les compagnies aériennes travaillant 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ce défi est relevé en mettant en place un bureau d’approvisionnement 24 heures sur 24 qui peut se procurer des pièces n’importe où dans le monde à tout moment.

Lorsqu’on lui demande quels sont les plus grands défis dans la chaîne d’approvisionnement de l’aviation, Dauvergne évoque l’équilibre entre la robustesse opérationnelle et le coût. Pour garantir un niveau élevé de stocks, les entreprises peuvent se sentir obligées d’acheter une quantité importante de pièces, ce qui représente des centaines de millions. Cette pratique, cependant, est économiquement difficile. Par conséquent, le défi principal consiste à optimiser l’équilibre entre les niveaux de stocks et le taux de service qu’ils souhaitent atteindre.

Dauvergne suggère que la solution réside dans le développement d’algorithmes intelligents pour optimiser les niveaux de stocks, qu’il considère comme un problème universel pour les compagnies aériennes du monde entier. Cette optimisation, selon lui, est là où les données, l’analyse et les fournisseurs de logiciels d’entreprise jouent un rôle crucial.

Vermorel oriente ensuite la discussion vers l’état de la chaîne d’approvisionnement de l’aviation et les changements survenus au cours des cinq dernières années. Dauvergne indique que l’industrie de l’aviation, en particulier le secteur de la maintenance, était traditionnellement axée sur la sécurité des vols, la conformité réglementaire et la qualité des pièces. Ces priorités ont créé une culture industrielle axée sur la garantie que les pièces d’avion sont de la plus haute qualité et adaptées à leur usage. Il suggère que la culture traditionnelle de la chaîne d’approvisionnement au sein de l’industrie de l’aviation était principalement centrée sur ces priorités.

Dauvergne reconnaît que traditionnellement, la culture de la chaîne d’approvisionnement et de la logistique chez AFI n’avait pas été priorisée en termes d’investissement dans des outils et des logiciels intelligents. Cependant, ces dernières années, ils ont compris que la chaîne d’approvisionnement est cruciale pour réussir dans leur secteur. Par conséquent, ils ont décidé de changer de perspective et d’approche, reconnaissant que leurs méthodes précédentes étaient obsolètes.

La relation entre Lokad et AFI a commencé il y a plus de cinq ans. Dauvergne exprime sa gratitude pour cette collaboration et explique qu’ils ont découvert Lokad grâce à l’une de leurs filiales basée en Allemagne. La filiale avait déjà connu un succès en utilisant les solutions de Lokad pour optimiser sa chaîne d’approvisionnement, notamment en matière de gestion des stocks. Cela a incité AFI à explorer la possibilité de travailler avec Lokad afin d’accélérer leur transformation.

Dauvergne souligne la manière dont Lokad apporte une perspective nouvelle à la gestion de la chaîne d’approvisionnement, différente des approches plus traditionnelles ou courantes. Ce qui a marqué Dauvergne, c’est l’ouverture d’esprit de Lokad, qui ne se conforme à aucun modèle standard mais se concentre plutôt sur la compréhension des besoins spécifiques d’AFI. Dauvergne oppose cela à l’approche de certaines sociétés de conseil, qui, selon lui, appliquent parfois un modèle automobile inflexible qui ne correspond pas nécessairement aux besoins d’AFI.

Dauvergne est également impressionné par la capacité de Lokad à fournir des solutions personnalisées de manière efficace et efficience. La décision d’adopter cette nouvelle approche était risquée, mais Dauvergne exprime sa satisfaction quant à la valeur ajoutée significative qu’elle a apportée, qualifiant les résultats d’“incroyables”.

Récemment, AFI et Lokad ont décidé de renouveler et d’étendre leur partenariat. En regardant vers l’avenir, Dauvergne déclare que leur objectif est de construire une feuille de route commune pour la chaîne d’approvisionnement chez AFI. Alors qu’ils travaillaient auparavant sur des initiatives spécifiques, il n’y avait pas beaucoup de coordination. La nouvelle approche implique que les deux organisations collaborent pour identifier les points douloureux de la chaîne d’approvisionnement d’AFI et créer davantage de valeur dans ces domaines. Au lieu de définir une vision claire pour plusieurs années à venir, ils visent à l’aborder de manière plus itérative - en traitant les problèmes, en créant de la valeur, en passant au sujet suivant, et ainsi de suite.

Dauvergne souligne qu’il s’agit d’un changement par rapport à leur méthode précédente, où les différents départements au sein de la vaste entreprise avaient leurs propres visions. Cette nouvelle stratégie partagée et dynamique représente un changement significatif dans leur approche de la gestion de la chaîne d’approvisionnement.

Dauvergne indique qu’un changement est en train de se produire dans l’industrie. Certaines entreprises abandonnent les plans rigides à long terme, acceptant les risques associés à l’agilité plutôt que d’avoir un haut niveau de certitude sur les trois ou cinq prochaines années. Ils reconnaissent la prolifération de technologies complexes et avancées comme l’apprentissage automatique, qu’ils estiment être utilisées de manière efficace par Lokad chez Air France, bien que cela ne soit pas visible.

Vermorel se demande dans quelle mesure ces technologies avancées auront un impact sur les rôles des employés dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Il se demande si l’industrie doit s’attendre à ce que tous les employés deviennent des experts en intelligence artificielle (IA) ou à quoi ressembleront les opérations quotidiennes.

Dauvergne donne une réponse franche, en rappelant les tentatives passées de former leurs employés pour qu’ils deviennent des experts en statistiques et en gestion des données, et pour qu’ils créent leurs propres règles de prévision. Cette stratégie, admet Dauvergne, a été un échec. Au lieu de chercher à cultiver en interne une expertise en statistiques, en données et en IA, la vision future d’AFI consiste à s’associer à des entités externes qui possèdent déjà ces compétences. Cette approche permet à AFI de se concentrer sur son domaine d’expertise : comprendre les mécanismes de la maintenance et ce qui est essentiel dans ce domaine.

En ce qui concerne la sécurité dans la chaîne d’approvisionnement, Dauvergne la considère comme acquise et constante, affirmant que leurs processus sont extrêmement sûrs et le resteront.

Lorsqu’on lui demande quelle est la valeur ajoutée pour les clients de la compagnie aérienne Air France Industries, Dauvergne souligne que leurs clients partagent des préoccupations similaires avec AFI. Il suggère que leur compréhension commune des défis auxquels ils sont confrontés est une raison clé pour laquelle ces clients choisissent AFI comme fournisseur. Jacques explique que leurs clients, souvent des compagnies aériennes, sont non seulement conscients de ces contraintes, mais choisissent également AFI précisément en raison de la capacité de l’entreprise à gérer ces complexités. Il suggère qu’une façon dont AFI parvient à se distinguer est grâce à son inventaire bien dimensionné, auquel la société peut donner accès à ses clients. Cette accessibilité de l’inventaire est décrite comme une offre de valeur optimisée, finement équilibrée pour garantir l’investissement le plus efficace.

Un élément essentiel de la proposition de valeur d’AFI, selon Jacques, est sa compétitivité. Jacques affirme que non seulement AFI est compétitive en tant que fournisseur, mais sa stratégie de tarification est également perçue comme compétitive dans l’industrie. Les clients d’AFI ont confiance dans le fait qu’ils reçoivent non seulement des pièces disponibles au bon moment et au bon endroit, mais aussi qu’ils paient le prix approprié pour ces composants.

Jacques illustre en outre les implications financières pour les clients d’AFI s’ils devaient investir dans des opérations similaires de manière indépendante. Il met en lumière l’investissement considérable que les compagnies aériennes devraient faire pour une opération équivalente, qui pourrait atteindre des sommes de plus de 10, 20 ou même 30 millions de dollars pour un nombre limité de tâches. En revanche, grâce à son optimisation de la chaîne d’approvisionnement, AFI propose une solution qui atténue de tels investissements importants, permettant aux compagnies aériennes d’économiser une somme d’argent significative.

Enfin, Joannes exprime sa gratitude pour l’opportunité de visiter l’atelier de réparation de moteurs d’avions d’Air France Industries et d’avoir cette conversation instructive avec Jacques. Ce dernier fait écho à ce sentiment, remerciant Joannes pour sa visite et son intérêt pour leurs opérations. L’interview suggère une méthodologie opérationnelle complexe et bien stratégique utilisée par AFI pour garantir une optimisation de la chaîne d’approvisionnement efficace, rentable et compétitive pour leurs clients de l’industrie de l’aviation.

Transcription complète

Joannes Vermorel: Nous sommes dans un atelier de réparation d’avions d’Air France Industries. Ce n’est pas tout à fait comme les locaux de Lokad. C’est un plaisir pour moi d’être avec Jacques Dauvergne. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous faisiez avant de rejoindre Air France ?

Jacques Dauvergne: J’ai travaillé pour Air France pendant plusieurs années. Dans le passé, j’ai été responsable de domaines très opérationnels tels que la gestion de la flotte de maintenance A320. J’ai également supervisé des projets stratégiques tels que la transformation de départements entiers jusqu’à mille personnes, et le soutien aux opérations, ce qui était un rôle plus transversal par rapport aux précédents.

Joannes Vermorel: Quel est exactement votre rôle actuel et vos missions chez Air France Industries ?

Jacques Dauvergne: Depuis environ un an, je suis responsable de la création d’une direction de la chaîne d’approvisionnement. Dans le passé, la chaîne d’approvisionnement était intégrée à un autre département d’Air France Industries. L’idée était de mettre l’accent sur la chaîne d’approvisionnement elle-même. Maintenant, mon rôle est de construire cette organisation globale de la chaîne d’approvisionnement d’Air France Industries.

Joannes Vermorel: Pour un public généraliste qui ne se spécialise pas dans l’aviation, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur Air France Industries ? Tout le monde connaît Air France, la compagnie aérienne, mais qu’en est-il d’Air France Industries ? Quelle est votre mission et que faites-vous exactement ?

Jacques Dauvergne: Air France Industries et le groupe KLM Engineering and Maintenance gèrent à la fois la maintenance des compagnies aériennes Air France et KLM, notre première mission. Au fil des années, nous avons développé une gamme de contrats pour des compagnies aériennes tierces basées dans le monde entier. Nous pouvons offrir la maintenance des avions, la maintenance des moteurs comme vous le voyez dans l’atelier aujourd’hui, le soutien de la chaîne d’approvisionnement, la maintenance des composants et l’accès à notre inventaire. Il s’agit d’un ensemble d’opérations assez étendu.

Joannes Vermorel: Pour avoir une idée des ordres de grandeur, de combien d’avions parle-t-on et dans quelle mesure sont les opérations pour le groupe Air France-KLM ?

Jacques Dauvergne: Nous exploitons plus de 400 avions. Nous parlons de plus de 1 000 vols par jour, pas par mois. En ce qui concerne les compagnies tierces que nous soutenons, nous parlons de plus de 200 compagnies.

Joannes Vermorel: Pour ceux d’entre nous qui ont la chance de voyager en avion en tant que passagers, nous avons tous été confrontés à un moment donné, au moins une fois dans notre vie, à un vol retardé. Les compagnies n’ont pas l’intention de retarder les vols. C’est un inconvénient majeur pour les passagers, mais aussi coûteux pour les compagnies elles-mêmes. Pourriez-vous partager quelques informations sur les enjeux de la chaîne d’approvisionnement qui maintient tous ces avions en l’air ?

Jacques Dauvergne: Si nous devons retarder un vol ou annuler un vol, notre première préoccupation est bien sûr l’impact sur nos passagers car l’expérience client est affectée négativement. L’autre préoccupation est l’effet en cascade que cela va créer dans notre programme de vols. Par exemple, si le premier vol de la journée est retardé, tous les autres vols de la journée seront retardés. Cela crée une énorme préoccupation quant à la reprogrammation des vols. Le coût pour l’entreprise est également très élevé. Nous devons payer des indemnisations directes au client et il y a beaucoup de coûts indirects au sein de la chaîne d’approvisionnement ou du domaine de la maintenance. Pour maintenir l’avion, nous avons besoin de pièces et ces pièces sont assez volumineuses. Cependant, ce qui rend la chaîne d’approvisionnement de l’aviation assez différente, disons, de la chaîne d’approvisionnement automobile, c’est le flux et le volume de la demande. Notre demande est très faible par rapport à la zone de fabrication. Il est également très difficile de faire des prévisions. Les modèles de prévision sont très complexes car nous devons gérer un programme de maintenance organisé autour de la maintenance préventive et de la maintenance curative. Nous opérons 24 heures sur 24, sept jours sur sept et nous sommes soumis à des contraintes de temps. Il est très difficile de se procurer une pièce, même pendant le week-end à minuit, pour le vol du lendemain. Pour gérer cela, nous avons mis en place une organisation spécifique comme un bureau d’approvisionnement 24 heures sur 24.

Joannes Vermorel: Quels sont, selon vous, les plus grands défis de la chaîne d’approvisionnement de l’aviation en général et peut-être pour AFI Industries en particulier ?

Jacques Dauvergne: Le défi clé est d’optimiser l’économie. Pour garantir une disponibilité de 99% de tout type de pièces sur l’avion, il serait très facile d’acheter des centaines de millions de pièces. Mais alors, nous parlons d’une énorme quantité de stocks, plus de 100, 200, 300 millions de pièces de rechange. Donc, le sujet clé est de dimensionner votre inventaire tout en comparant le niveau de service que vous souhaitez atteindre. Celui qui remportera la bataille sera celui qui pourra optimiser le niveau de stocks avec des algorithmes intelligents. C’est un enjeu clé pour toutes les compagnies aériennes du monde.

Joannes Vermorel: Cela devrait être le rôle des données et de l’analyse, des choses qui étaient censées être résolues par les éditeurs de logiciels d’entreprise depuis les années 80. Où en est-on actuellement dans la chaîne d’approvisionnement de l’aviation et si nous devions revenir un peu en arrière, quelle était la pratique que vous pouviez observer dans cette industrie il y a peut-être une demi-décennie ?

Jacques Dauvergne: Avant l’avènement de Lokad, de votre point de vue chez Air France, je dirais que l’industrie de l’aviation, en particulier le domaine de la maintenance, dépend fortement de la culture de l’industrie. Le point clé était de s’assurer que les avions étaient opérationnels, et notre principal objectif était les réglementations et la conformité des pièces. Bien sûr, la sécurité des vols est notre priorité absolue. Donc, notre objectif principal dans le passé était de garantir que la pièce qui serait montée sur l’avion respectait des normes de qualité à 100%. En termes de culture traditionnelle de la chaîne d’approvisionnement, la logistique n’était pas la priorité d’investissement principale en termes d’outils intelligents et de logiciels. Cependant, ces dernières années, nous avons pris conscience qu’une chaîne d’approvisionnement efficace est cruciale pour réussir dans le domaine de la maintenance. Nous avons changé notre façon de penser et nous comprenons que nous devons progresser. Nous avons l’intention d’adopter une nouvelle approche et de laisser de côté l’approche obsolète.

Joannes Vermorel: Il y a plus d’une demi-décennie, Lokad et Air France ont commencé à collaborer. Pourriez-vous décrire, en vos propres mots, comment vous percevez l’initiative Lokad chez Air France Industries ?

Jacques Dauvergne: Nous avons découvert Lokad il y a quelques années lorsqu’ils ont commencé à travailler avec l’une de nos filiales basée en Allemagne. Nous avons compris que c’était une expérience exceptionnelle en termes d’optimisation de la chaîne d’approvisionnement. Nous avons également reconnu que nous avons créé conjointement de la valeur autour de la gestion des stocks. Cela nous a donné une excellente opportunité d’accélérer notre transformation, d’autant plus que notre modèle était quelque peu obsolète. Travailler avec Lokad nous a donné l’occasion d’expliquer nos préoccupations et de voir quelles solutions ils pouvaient offrir. De plus, il était fascinant pour nous de voir une perspective complètement différente sur notre chaîne d’approvisionnement, ce qui était un changement significatif par rapport à nos pratiques passées.

Joannes Vermorel: Je pense que l’approche de Lokad en matière de chaîne d’approvisionnement est quelque peu unique, certainement par rapport à l’approche traditionnelle. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans la façon dont Lokad opère avec Air France Industries ?

Jacques Dauvergne: Nous avons été assez surpris par l’approche ouverte de Lokad. Ils ne nous ont pas approchés avec un modèle standard en tête, ce qui est généralement le cas lorsque vous engagez une société de conseil pour gérer votre chaîne d’approvisionnement. La capacité de Lokad à fournir une solution personnalisée de manière efficace et efficiente, avec un délai de mise en œuvre relativement court, était également impressionnante. Prendre cette nouvelle approche était un risque, mais finalement, les résultats étaient incroyables.

Joannes Vermorel: Nous avons récemment renouvelé et même élargi notre partenariat. Quelle est votre vision de l’avenir de la chaîne d’approvisionnement chez Air France Industries ?

Jacques Dauvergne: Actuellement, nous travaillons à l’élaboration d’une feuille de route. Par le passé, nous avons essayé de collaborer sur des initiatives spécifiques, mais il n’y avait pas vraiment de coordination entre elles. Maintenant, l’objectif est de créer davantage de valeur. Nous pensons qu’il est possible de nous aligner sur une feuille de route commune et d’identifier ensemble les points douloureux de la chaîne d’approvisionnement où nous pouvons créer plus de valeur. Notre approche ne consiste pas à avoir une vision claire pour les prochaines années, mais plutôt à se concentrer sur la création de valeur en abordant un sujet après l’autre. C’est un changement par rapport à notre approche précédente, où, en tant que grande entreprise, on attendait un plan de trois à cinq ans avec une projection claire de création de valeur tous les trois mois. Maintenant, nous avons choisi d’adopter l’agilité et d’accepter les risques qui y sont associés, plutôt que de nous en tenir à une planification avec un haut niveau de certitude pour les trois à cinq prochaines années.

Joannes Vermorel: Dans l’industrie, de nombreuses entreprises vantent des choses avancées et à la mode comme l’apprentissage automatique ou les algorithmes d’optimisation. Je crois que Lokad met effectivement en œuvre ces outils chez Air France, même si ce n’est pas très visible. Quelle est votre perspective sur l’avenir de la chaîne d’approvisionnement et le rôle de ces outils ? Qu’anticipez-vous quant à la perception des personnes travaillant dans la chaîne d’approvisionnement chez Air France à l’égard de ces outils ? C’est une question relativement abstraite, mais essentiellement, est-ce que nous nous attendons à ce que tout le monde dans la chaîne d’approvisionnement chez Air France devienne expert en IA, ou à quoi cela ressemble-t-il au quotidien ?

Jacques Dauvergne: Par le passé, nous avons essayé d’acheter divers outils et de former nos collaborateurs pour qu’ils deviennent des experts en statistiques, en gestion des données et en construction de leurs propres règles pour simuler des prévisions. L’objectif était de faire de nos équipes des experts en prévision et en statistiques basées sur les données. Nous devons maintenant admettre que cette approche a été un échec. À l’avenir, nous avons l’intention de nous éloigner de cette vision et de nous associer à quelqu’un qui peut gérer cette complexité. Nous ne voulons pas être des experts en statistiques, en données ou en intelligence artificielle. Ce n’est pas notre objectif ni notre vision. Notre but est de nous associer à quelqu’un qui peut gérer ce domaine tout en apportant notre expertise sur la façon dont la maintenance est réalisée, ce qui est en jeu et ce qui est essentiel. Nous voulons fusionner l’intelligence des données avec notre approche basée sur notre expertise, mais nous n’avons pas l’intention de devenir nous-mêmes des experts en intelligence artificielle.

Joannes Vermorel: En guise de dernière question, avec cette nouvelle vision de la chaîne d’approvisionnement, évidemment, maintenir la sécurité dans le processus d’audit est une évidence. Cela restera donc constant à l’avenir. Mais quels sont, selon vous, les avantages supplémentaires pour les clients de compagnies aériennes d’Air France Industries ? Quels enjeux sont liés à une chaîne d’approvisionnement supérieure ?

Jacques Dauvergne: Nos clients en ligne ont les mêmes préoccupations que nous en tant que compagnie aérienne. Nous comprenons parfaitement nos contraintes, et c’est pourquoi ils choisissent souvent Air France Industries ou Calimium comme fournisseur. La valeur que nous offrons, par exemple, est l’accès à notre inventaire, à condition qu’il soit bien dimensionné. Cela présente une valeur optimisée ou le meilleur retour sur investissement.

Joannes Vermorel: Donc, vos clients comprennent la proposition de valeur et voient votre compétitivité ?

Jacques Dauvergne: Bien sûr. Si nous pouvons gérer efficacement les coûts, nos clients en bénéficient également. Nous nous efforçons d’être compétitifs, et cela souligne la confiance qu’ils ont envers Air France Industries et Calimium pour les soutenir. Ils savent qu’ils paient le prix le plus bas du marché lorsque nous sommes compétitifs. Nous nous assurons que les pièces sont disponibles au bon moment et au bon endroit, et le coût qu’ils paient pour cela est raisonnable.

Joannes Vermorel: Donc, ce n’est pas seulement le prix. Vous leur offrez également la tranquillité d’esprit en gérant l’inventaire et en garantissant la disponibilité des pièces ?

Jacques Dauvergne: Oui, c’est exact. Sinon, ils seraient obligés d’investir dans ces solutions eux-mêmes, ce qui représenterait plus de 10 millions, 20 millions, voire 30 millions de dollars pour peut-être seulement quelques pièces. Nous parlons d’une somme d’argent importante.

Joannes Vermorel: Merci beaucoup, Jacques. C’est toujours un plaisir d’être dans cette installation de réparation de moteurs d’avion d’Air France Industries.

Jacques Dauvergne: Merci beaucoup, Joannes.