La tarification par pénétration
La tarification par pénétration est un type de tarification très agressif. En utilisant cette méthode, une entreprise fixe d’abord ses prix à un niveau très bas (parfois même avec une marge négative) afin d’accroître la demande de ses clients. Par la suite, elle augmente de nouveau ses prix, espérant capter le même niveau de demande que lorsqu’elle pratiquait ce tarif très bas.
La tarification par pénétration est souvent perçue comme une méthode de tarification opposée au gonflage de prix. Bien que très différents par leur nature, ces deux types spécifiques de tarification semblent être les plus efficaces pour les nouveaux produits selon Spann, Fischer et Tellis. Avec la tarification par pénétration, une entreprise espère fidéliser ses clients en pratiquant un prix très bas au départ et en l’augmentant ultérieurement. De plus, avec le gonflage de prix, une entreprise cherche à maximiser ses profits à long terme en capturant autant que possible le surplus du consommateur en fixant un prix relativement élevé au départ puis en le réduisant au fil du temps.
L’efficacité de l’utilisation d’une stratégie de tarification par pénétration est étroitement liée à l’élasticité de la demande. Si la demande est très élastique, la tarification par pénétration se traduit par un niveau de demande élevé lorsque les prix sont bas, mais ce niveau élevé chute significativement lorsque l’entreprise décide d’augmenter ses prix. En revanche, baisser ses prix sur un marché élastique peut potentiellement s’avérer efficace si l’augmentation de la demande compense la perte due à la baisse de prix.
Principe économique
La tarification par pénétration repose sur une hypothèse principale : si le consommateur se montre fidèle à une entreprise, la demande devient par conséquent moins élastique avec le temps. En conséquence, une entreprise accepte une perte de surplus lors des premières étapes de la mise en œuvre de sa stratégie de tarification par pénétration, car elle doit vendre à un prix plus bas afin de gagner des parts de marché supplémentaires. Les consommateurs finissent par devenir fidèles à l’entreprise grâce à ce prix inférieur, et puisque la demande devient presque inélastique sur le long terme, l’entreprise peut ainsi augmenter ses profits en relevant le prix par la suite (pour une explication plus détaillée, voir notre article sur l’élasticité-prix de la demande). Ceci démontre qu’à long terme la tarification par pénétration transforme une demande élastique en une demande inélastique grâce à la fidélité acquise des consommateurs.
Cela peut être illustré graphiquement en deux étapes distinctes.
Premièrement, la baisse initiale du prix entraîne une perte de surplus économique à court terme mais une augmentation de la demande.

Deuxièmement, lorsque le prix est relevé sur le long terme (après la baisse initiale), il y a une augmentation évidente du surplus économique à long terme résultant d’un gain en fidélité de la clientèle.

Portée et exemples
La tarification par pénétration et le gonflage de prix sont deux stratégies de tarification à long terme opposées. La première consiste à fixer des prix bas au départ et à les augmenter au fil du temps afin de maximiser le profit à long terme, tandis que la deuxième consiste à fixer des prix élevés au départ et à les réduire ensuite.
Selon Spann, Fisher et Tellis, la tarification par pénétration est plus efficace que le gonflage de prix pour une entreprise nouvellement arrivée sur un marché compétitif et opérant dans un segment industriel à bas prix. De plus, le produit ou service vendu par l’entreprise en question doit être capable de générer la fidélité des clients. Voici quelques exemples de ces types de marchés :
Services d’abonnement. Les services d’abonnement, tels que la ligne téléphonique ou la télévision par satellite, en sont de bons exemples. Le prix de ces services est souvent réduit durant la première année, puis augmenté par l’opérateur à partir de la deuxième année. Dans ce cas, la première année de service est proposée au consommateur à un tarif de tarification par pénétration. Le prix de l’abonnement est relevé à la fin de la première année, et si le consommateur décide de conserver son abonnement, la demande pour ce service devient inélastique. En conséquence, le fournisseur de services maximise ses profits sur le long terme.
Entreprises avec un modèle économique « appât et leurre ». Dans ce cas, une entreprise tire avantage de la vente de produits interdépendants afin de maximiser ses profits. Par exemple, les fabricants de rasoirs ont tendance à vendre leurs rasoirs à un prix bas, tandis que les recharges de lames sont proposées à un prix élevé. Deux autres exemples similaires du modèle « appât et leurre » sont les imprimantes (et leurs recharges de cartouches) ainsi que les consoles de jeux (et les jeux vidéo qui les accompagnent par la suite).
Prix haut-bas. Alors qu’une entreprise peut proposer certains articles de son catalogue à des prix bas afin d’attirer des clients, le reste des produits reste généralement à prix élevés. Dans ce cas, l’entreprise compte sur les consommateurs pour qu’ils se rendent d’abord dans ses magasins (ou sur ses sites web, etc.) pour profiter d’articles moins chers, puis finissent par acheter à la fois des produits à bas et à hauts prix. Pour illustrer, Walmart utilise des tactiques de prix haut-bas afin d’attirer des clients dans ses boutiques. On peut même dire qu’elle utilise des tactiques de vente à perte, car alors qu’elle vend certains de ses produits à perte, d’autres produits à prix plus élevé génèrent des profits considérables.
Références
- Dean J., “Politiques de tarification pour les nouveaux produits”, Harvard Business Review, 1976
- Spann M., Fischer M. & Tellis G. J., “Gonflage de prix ou pénétration ? Tarification dynamique stratégique pour les nouveaux produits”, 2014