Résumé

Animée par Kévin Baumann, Lead Supply Chain Scientist chez Lokad, cette table ronde a réuni des cadres dirigeants du secteur du retail pour une discussion approfondie sur les défis et opportunités de la supply chain moderne. Sébastien Roux, Directeur des Opérations et Projets, et Christophe Lapotre, Directeur Exécutif Omnicanal, tous deux de Maisons du Monde, ainsi que Bertrand Renault, Directeur Supply Chain chez IskayPet, ont partagé leur expertise aux côtés de Joannes Vermorel, Fondateur et PDG de Lokad.

Cette rencontre a exploré les problématiques concrètes rencontrées par les enseignes Maisons du Monde et IskayPet, notamment les difficultés de gestion des réseaux complexes et l’impact de l’IA et des prévisions probabilistes sur la transformation de la supply chain. En revenant sur les “anciens paradigmes” du secteur, les participants ont mis en lumière la façon dont l’approche de la Quantitative Supply Chain de Lokad transforme les opérations. La gestion du changement, l’adoption par les utilisateurs, et la collaboration de confiance avec les Supply Chain Scientists ont été soulignées comme étant essentielles pour une supply chain robuste et résiliente.

Transcription complète

Le modérateur : Bonjour à tous. Ils sont nombreux, ils ont beaucoup de choses à dire et de réflexions à vous livrer, donc je ne vais pas monopoliser la parole. Je vais tout bonnement me contenter de lire le titre de cette intervention : “Quantifier l’incertitude : une table ronde montée par Lokad sur la prévision et la planification pour la Supply Chain moderne avec Maisons du Monde et IskayPet”. Messieurs, vous êtes nombreux, je vais d’ailleurs vous laisser la main pour vous présenter et pour entamer ce témoignage de 45 minutes. Merci beaucoup.

Kévin Baumann : Bonjour à tous, je m’appelle Kévin Baumann, je suis Lead Supply Chain Scientist chez Lokad, et aujourd’hui j’ai le plaisir d’animer cette table ronde en compagnie de Christophe Lapotre, Sébastien Roux, Bertrand Renault et Joannes Vermorel. Christophe est Directeur Exécutif Omnicanal chez Maisons du Monde, Sébastien est Directeur des Opérations et Projets également chez Maisons du Monde, Bertrand est Chief Supply Chain Officer chez IskayPet et a passé près de 20 ans à la FNAC, et Joannes est PDG et fondateur de la société Lokad.

Donc, comme cela a été mentionné, le thème de notre discussion aujourd’hui est “Quantifier l’incertitude : prévision et planification pour une Supply Chain moderne avec Lokad, Maisons du Monde et IskayPet”. Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir des intervenants, des experts qui proviennent de secteurs assez différents du commerce retail. Je vais commencer par leur poser quelques questions, après quoi nous prendrons un temps d’échange avec le public si le public a également des questions à poser à nos intervenants.

Comme je le mentionnais en introduction, nous avons des représentants de secteurs assez différents qui sont représentés ici. Avant que nous commencions à parler de planification et de prévision, il faut que nous identifiions correctement les problématiques et les enjeux que nous allons chercher à résoudre. Je vais commencer par me tourner vers Christophe pour te demander quels sont les défis auxquels Maisons du Monde fait face et qui nécessitent l’utilisation de prévisions.

Christophe Lapotre : Bonjour à tous. C’est un vaste sujet qui accompagne un plan de transformation pour Maisons du Monde sur 2 ans. Cela doit nous permettre, en tout cas, d’aller chercher à décomplexifier nos organisations et à travailler autour d’un réseau de magasins de 336 magasins sur 9 pays. Donc, d’avoir cette intention de poser la prévision, c’est un enjeu fondamental pour répondre à un enjeu de satisfaction de nos clients et de performance. Aujourd’hui, le plan embarque une dimension de décentralisation qui amène, je dirais, une touche SIG global local vraiment encore plus précise sur notre système de prévision au magasin.

C’est vrai qu’aujourd’hui, nous avions des limites aux outils et aux organisations actuelles. Donc, la prévision est plus qu’importante dans le plan de transformation que nous menons à horizon 2 ans dans un modèle très volumique, parce que 336 magasins, un site internet qui fonctionne à grande vitesse, nous avons besoin de pouvoir projeter finalement beaucoup plus finement et de reprendre toute la chaîne de valeur. Parce que c’est aussi à la fois le bon stock au bon endroit, mais c’est de remonter la chaîne avec Lokad dans les semaines qui viennent.

Kévin Baumann : Très bien. Bertrand, est-ce que les problèmes dont Christophe vient de parler te semblent familiers chez IskayPet ?

Bertrand Renault : Alors oui, tout à fait. Déjà, peut-être pour donner un peu de contexte, avant IskayPet, c’est 320 magasins entre l’Espagne et le Portugal et une page e-commerce web également qui représente une bonne part de marché. Donc, les problématiques, pour rentrer directement dans le vif du sujet, en termes de prévision, nous devons tout simplement prendre quasiment 2 millions de décisions par jour en fonction des assortiments magasins et du nombre de magasins que nous avons entre l’Espagne et le Portugal. Donc, effectivement, une prévision de la demande est forcément nécessaire, d’autant plus si les capacités logistiques sont d’une certaine manière flexibles, mais pas tant qu’on voudrait d’une certaine manière.

Pour autant, il faut être capable également de prendre en compte cette dimension de coût et de capacité logistique pour essayer de délivrer à nos magasins les meilleurs produits au meilleur moment.

Kévin Baumann : Donc, Christophe parlait du nombre de magasins dans le réseau, Bertrand, tu parlais du nombre de décisions à prendre tous les jours, et effectivement, si je vous dis que plus le catalogue est vaste, plus le réseau est vaste, plus les problèmes de planification et de prévision deviennent complexes. Pour étayer un petit peu, Sébastien, est-ce que tu peux revenir sur l’ampleur de vos opérations chez Maisons du Monde ? On a parlé du réseau de magasins, mais aussi en termes de catalogue, de plateforme en ligne, d’entrepôt, toutes ces choses-là.

Sébastien Roux : Bonjour à tous. Alors, pour donner un peu plus de détails, Christophe l’a dit, tu l’as répété, c’est 336 magasins, deux entrepôts en France essentiellement. Nous travaillons sur trois activités différentes avec des lead times très différents. Les trois activités sont la petite décoration, la grande décoration et le meuble. Nous sommes sur des temps qui sont du simple au double, voire au triple pour ces activités. Nous avons aussi une activité supply B2B avec les livraisons à domicile directement chez le client et B2C avec l’approvisionnement des magasins. C’est pour illustrer un peu la complexité de notre activité au quotidien et ce à quoi Lokad a dû faire face dans son accompagnement.

Kévin Baumann : Aujourd’hui, Christophe, est-ce que tu peux donner un peu plus de détails sur le commerce omnicanal et finalement la complexité qui se cache derrière ?

Christophe Lapotre : Oui, alors sur l’omnicanal, nous avons la chance d’avoir, et c’est une nouvelle organisation qui a été posée par notre DG François Melchior de Polignac. Nous étions assez silotés, donc il n’y avait pas tellement de complexité, mais c’était des canaux de vente qui finalement couraient un petit peu chacun dans leur couloir de nage. Aujourd’hui, nous avons un site internet qui opère dans chacun des pays. Nous avons effectivement la marketplace qui est aussi un des enjeux majeurs qui accompagne Maisons du Monde. C’est 336 points de vente. Après, c’est comment gérer en tout cas aujourd’hui. Nous avons autant de matrices, donc autant de clusterisation de magasins que de magasins avec 15 000 références actives. Donc, c’est là où est le challenge pour Maisons du Monde, c’est comment adapter aussi, et nous attendons beaucoup de Lokad sur cette brique-là, c’est l’assortiment dynamique que nous allons pouvoir créer autour de ce maillage de magasins et de l’omnicanal. Aujourd’hui, c’est de pouvoir parler d’une seule voix, donc accompagné d’un planning d’animation commerciale et stratégique qui le permet. Donc, l’enjeu pour nous, il est double, voire triple, c’est vraiment d’aligner l’ensemble de ces canaux, ce qui jusqu’à présent n’était pas totalement le cas.

Kévin Baumann : Très bien. Joannes, tu as entendu toutes ces problématiques, ces problématiques que nous essayons de résoudre chez Maisons du Monde et IskayPet. Quelle est ton opinion à ce sujet ?

Joannes Vermorel : Alors, l’optimisation de stock dans un réseau de distribution, c’est des vieux problèmes. La recherche opérationnelle des années 50-60 se met à fournir des solutions, et il y a des paradigmes qui émergent dans les années 70 qui sont extraordinairement répandus. Ici, vous trouverez plein de confrères qui les pratiquent. Donc, ça va être prévision de série temporelle, stock de sécurité, taux de service, tous ces éléments-là. Et alors, sur ce qui a été dit jusque-là, on pourrait avoir presque l’impression que c’est ce que fait Lokad, mais en fait, pas du tout, mais vraiment, vraiment pas du tout. Nous ne faisons pas de prévision de série temporelle, nous ne faisons pas de stock de sécurité, nous ne faisons pas de taux de service, nous faisons autre chose. Alors, pourquoi est-ce que nous faisons autre chose ? Parce que essentiellement, ces idées-là ne fonctionnent pas. Alors, nous pourrions rentrer dans le détail. J’ai une série de lectures pour ceux qui sont intéressés. Sur YouTube, vous pouvez avoir à peu près 200 heures de vidéos si vous voulez avoir le détail de tout ce qui ne marche pas avec ces idées. Mais essentiellement, ces idées, je dirais, assez naïves sont vraiment un mismatch pour la Supply Chain et en particulier pour les réseaux de distribution où nous avons de la demande sparse, intermittente, erratique au niveau des points de vente. Nous pourrions rentrer dans le détail, mais en gros, pratiquement tous les verticaux ont à chaque fois des choses qui font que ça ne rentre pas.

Lokad sur ces problématiques, quand on dit prévision, en fait, on parle de prévision de notre point de vue probabiliste où on va s’intéresser à regarder tous les futurs possibles, pas simplement pour la demande. Ça veut aussi dire tous les futurs demandes, les futurs possibles pour les délais. On a mentionné le fait que selon les produits, on va regarder des délais d’approvisionnement très différents. Et là-dessus, pour vous donner juste un élément pour essayer de penser comment Lokad voit ces optimisations qu’on fait pour, par exemple, Maisons du Monde, c’est de se dire pour chaque unité en entrepôt, finalement, par rapport à tous les futurs possibles, quel est le point de vente où ça serait en euros le meilleur payback d’allouer cette unité.

Ensuite, on peut poser la question du si on a une deuxième unité en entrepôt, on regarde à nouveau tous les points de vente où est-ce que ça serait la meilleure. Donc, en fait, on va regarder tous les futurs possibles à chaque fois, toutes les décisions possibles et les scorer économiquement en euros et non pas en pourcentage. Voyez l’idée, c’est… et donc c’est ce qui nous amène à faire ces missions qui sont finalement assez, je dirais, classiques d’optimisation, mais d’une façon très différente.

Kévin Baumann : Effectivement, c’est une bonne description de la philosophie de Lokad. Ce qui m’intéresse aussi, c’est de savoir comment les entreprises ont découvert cette philosophie et quel était leur parcours pour arriver jusque-là. Sébastien, quelles pratiques vous utilisiez avant chez Maisons du Monde pour résoudre les problèmes que vous avez mentionnés ?

Sébastien Roux : Alors, on était dans un modèle très centralisé avec des équipes expertes, presque monotâches, avec des outils un peu anciens qu’on commençait à tordre un petit peu dans tous les sens et qui n’étaient pas forcément adaptés à la prévision et à l’anticipation. Ensuite, on avait dans cette organisation très centralisée beaucoup de comités. Aujourd’hui, on avait vraiment le souhait, avec l’embarquement de Lokad, de simplifier et fluidifier un peu tout ça. Et puis, c’était une vraie volonté et attente de la part des équipes. Ça faisait des années qu’elles le demandaient. C’est des millions d’opérations chez nous et l’entreprise s’est développée très vite et forcément, à un moment, dans l’organisation, on ne s’est pas adapté aussi vite qu’il aurait fallu.

Donc là, on est en train de rattraper le retard. Et aujourd’hui, ça… comment dire… les équipes sont vachement embarquées et donc les orientations qui ont été prises semblent être les bonnes. En tout cas, on a tous les voyants qui sont au vert.

Kévin Baumann : Bertrand, tu as passé quasiment 20 ans à la FNAC. Est-ce que tu as des leçons à nous partager de ton expérience, des différentes recettes ou pratiques que tu as appliquées en Supply Chain ?

Bertrand Renault : Oui, alors déjà, je crois qu’il n’y a pas de formule magique, ça c’est clair. Je crois que le degré de maturité conforme en avance, on commence à comprendre quelles règles il faut appliquer. À un moment donné, on a vécu l’industrialisation de l’approvisionnement, c’est-à-dire que d’une certaine manière, on a commencé à appliquer des moyennes, un maillage qui n’était pas tellement très fin en termes de couverture, en termes de stock de protection. On a parlé avant des stocks mini qu’on avait en magasin, qui n’ont pas forcément dans certains cas à voir avec des règles de merchandising.

Donc j’aurais tendance à dire qu’à un moment donné, on a été sur l’industrialisation pour traiter toute cette quantité de données d’une certaine manière. Et au fur et à mesure, on commence à apprendre en fonction des erreurs qu’on commet en termes de prévision de la demande. D’autant plus que, je mélange peut-être les concepts, mais le working capital est de plus en plus important.

Donc, d’autant plus, les marges de manœuvre sont de plus en plus courtes. Donc, d’une certaine manière, avec cet apprentissage, on se rend compte qu’on commence à faire de plus en plus du costume à… j’ai… pardon, excusez-moi, j’ai du mal à m’exprimer en français. Avant, je parlais bien une langue, maintenant j’en parle mal deux. Et donc parfois, d’un point de vue technique, j’ai du mal à trouver mes mots. Ce costume qu’on faisait sur mesure, d’une certaine manière, avant, il y avait quatre tailles qui devaient aller, par exemple, pour tous les clusters de magasins. Aujourd’hui, ce qu’on recherche à faire avec de l’apprentissage, c’est de commencer à faire un costume pour chaque taille de magasin, pour vraiment adapter la demande à la nécessité du client, qui est vraiment celui d’une manière, c’est celui qu’il faut écouter.

C’est-à-dire que c’est lui qui nous donne les inputs et qui nous dit quelque part si une référence doit être en magasin et si cette référence doit être en magasin, en quelle quantité elle doit être. Donc, je pense qu’on est parti d’une certaine industrialisation et on revient en arrière d’une certaine manière en prenant tous les cas d’une manière particulière. En prenant, comme je vous l’ai dit en introduction, il faut vraiment prendre quasiment, dans notre cas, deux millions de décisions par jour.

Kévin Baumann : Joannes, tu viens d’entendre ces deux exemples, ces deux histoires. Je pense qu’on a entendu beaucoup d’autres similaires auparavant. Qu’est-ce qui te vient à l’esprit ? Qu’est-ce que tu as à dire sur ce que tu viens d’entendre ?

Joannes Vermorel : Pour supporter un peu ma proposition que j’ai faite, que, en gros, les théories un peu classiques de la Supply Chain fonctionnent très très mal ? La plupart de mes confrères approchent ces sujets, ces problèmes en mettant des erreurs et des exceptions, des alertes et des exceptions absolument partout. Vous êtes censé avoir quelque chose qui robotise votre Supply Chain et ça va produire des dizaines de milliers d’exceptions par jour partout où la recette numérique ne fonctionne pas. Et on demande à un humain d’arriver et d’appliquer le correctif manuel. Donc, en gros, on utilise des humains comme des… enfin, le système Supply Chain utilise des opérateurs comme des coprocesseurs humains.

Vous avez le processeur informatique et puis vous avez le coprocesseur humain qui est là pour, on va dire, mettre du sparadrap partout où ça ne fonctionne pas. Ma vision à moi, c’est que si, par exemple, on prend un problème d’assortiment magasin, si on sait vraiment expliquer comment on doit résoudre ce problème, comment est-ce qu’on va faire ce choix, dans ce cas-là, si on a une vraie compréhension, on peut le coder. Si on peut le coder, on peut dans ce cas-là coder cette recette numérique et la faire tourner pour chacun des magasins.

Donc, à chaque fois que finalement on doit repasser par la case opérateur, c’est que finalement on ne s’est pas vraiment posé la question de comment on est en train de résoudre ce problème en vrai. Et la réponse de, une fois que je serai face au problème, je prendrai une décision, ce n’est pas une vraie réponse. C’est juste on est en train de dire que quelqu’un prendra une décision un peu au hasard tout en ne sachant pas la justifier au moment où il sera face à ce problème.

Donc, la vision de Lokad, c’est de robotiser complètement ces décisions, pas avec une IA sortie de nulle part qui serait censée avoir un niveau de compréhension supérieur, mais au contraire avec des gens comme Kévin. Alors, Kévin ne s’est pas vraiment présenté dans le détail, mais il fait partie de l’équipe des gens qui sont chez nous, des Supply Chain Scientists. Ce sont des gens qui vont dialoguer avec le client, comprendre le détail de ce qu’ils veulent faire au niveau stratégique et simplement avoir le tour de main, si un tour de main, pour pouvoir traduire ces visions stratégiques qui sont exprimées de façon, je dirais, à haut niveau en une recette numérique qu’on peut faire tourner à très grande échelle.

Et ça, ça c’est le tour de main des Supply Chain Scientists. Mais fondamentalement, l’output c’est de mécaniser et que la bonne mécanisation c’est quelque chose qui marche sans qu’on ait du chaos à devoir gérer manuellement en continu, ce qui est pour moi une démonstration de mauvaise méthode numérique, quelle que soit la méthode numérique en question.

Kévin Baumann : Effectivement, on va maintenant parler un peu plus en détail de la philosophie de la Quantitative Supply Chain de Lokad. Sébastien, comment s’est déroulé le parcours chez Maisons du Monde jusqu’à présent ? Quels détails peux-tu nous partager ?

Sébastien Roux : Alors, depuis maintenant 5 mois qu’on travaille ensemble, depuis l’appel d’offre, on est sur un partenariat assez riche et une vraie présence de Lokad auprès des équipes. On est en recettage final, donc en fait on a des points réguliers et on a toujours un interlocuteur, que ce soit sur la partie technique mais aussi sur l’évolution du métier et des réflexes, puisque on parle de ça quand même. Ça engage un changement profond dans les organisations, donc ça se passe très bien. On est, comment dire, aujourd’hui on trouve Lokad très supportif à des questions compliquées, les réponses sont simples. Voilà, donc j’ai pas grand-chose à ajouter, mais on est plutôt satisfaits et on va vers une collaboration hyper fluide, hyper résiliente et efficace en tout cas.

Kévin Baumann : Bien. Et Christophe, comment dirais-tu que s’est passée la gestion du changement chez Maisons du Monde ?

Christophe Lapotre : Pour le coup, ça se passe plutôt bien. On a, ça on en a parlé au début, mais on avait des outils obsolètes, des organisations qui ne suivaient plus le rythme du plan de transformation. Aujourd’hui, ça va radicalement changer la vie de nos équipes. Pour se donner un ordre d’idée, dans les équipes de Sébastien, c’est 16 personnes qui passaient 80 % de leur temps à cruncher de la data difficilement appréhendable à la décision. L’objectif c’est de transformer ces store planners en Business Analysts et d’avoir une gestion, je dirais, régionalisée, de remettre du contact avec les équipes en magasin. Moi, mon plus grand rêve en tant que commerçant, c’est qu’on ait le moins de questions possibles de nos équipes. Aujourd’hui, la main se lève régulièrement pour dire “il me manque ça”, “j’ai le sentiment de ne pas aller chercher le potentiel de chiffre de mon magasin”.

L’objectif demain, c’est que ces mains se baissent et que les coups de téléphone dans les équipes de Sébastien s’arrêtent le plus possible. Donc c’est un gros changement, c’est extrêmement attendu. Comme dans toute courbe de changement, il y a quand même une part, non pas d’inquiétude, mais de “on va passer à un nouvel outil, c’est un nouveau front, il faut que je m’y habitue”. Finalement, je passais 80 % de mon temps à faire une action qui va s’arrêter pour prendre des décisions. Donc il y a aussi, je dirais, l’acte de responsabilisation qui vient au devant de la scène. Mais pour nous, c’est un changement qui est extrêmement puissant puisqu’il est commerçant. Il va connecter les équipes des magasins avec les équipes aussi, je dirais, du siège pour avoir une réponse parfaite à nos clients chaque jour et d’optimiser nos décisions.

Donc pour nous, ça se passe bien. L’entreprise l’attend et c’est une équipe qu’on a reprise au mois de février cette année, donc les changements vont vite. Effectivement, je rejoins Sébastien avec une équipe Lokad extrêmement supportive sur le changement. Donc ça, c’est plus qu’important dans un changement aussi important, je dirais, dans la chaîne de valeur qui est ce beau projet de la Supply Chain.

Sébastien Roux : Je rajouterai juste une chose. On est des commerçants et ça implique aussi des réflexes de commerçant à toute l’équipe back-office, ce qui n’était pas forcément le cas jusqu’à présent. Comme le disait Christophe, on était vraiment dans du crunchage de data sans comprendre pourquoi je le fais. Et là, vraiment, on voit le changement de mindset et c’est hyper intéressant pour nous.

Kévin Baumann : Très bien. Bertrand, tu connais le concept de Quantitative Supply Chain depuis un petit moment déjà. Qu’est-ce qui résonne en toi dans ce concept ?

Bertrand Renault : Alors, comme je l’ai commenté précédemment, je crois que la Supply Chain de manière quantitative, on en fait depuis pas mal de temps. J’aurais même tendance à dire que ça a toujours existé. Après, le nombre de données a tellement grandi à pouvoir traiter qu’on est rentré dans une forme d’industrialisation. Et cette forme d’industrialisation, en fait, nous a amené à commettre pas mal d’erreurs, comme je l’ai dit peut-être un peu auparavant, en clusterisant les magasins, en ayant des types de rotation qui sont classifiés mais au niveau global. Dans notre cas, c’est vrai qu’on a deux enseignes sur deux pays différents avec des situations géographiques de centres urbains, de magasins un petit peu plutôt ruraux, qui requièrent une mise en place d’assortiments qui soit vraiment faite à l’optimum par rapport à la demande des clients de la zone de chalandise.

Donc j’aurais tendance à dire que sur ces dernières années, on a été à fond dans l’industrialisation, en essayant d’avoir un merchandising par magasin, une clusterisation. Et d’une certaine manière, je pense que déjà c’était quelque part un petit peu de la Supply Chain quantitative. Par contre, aujourd’hui, on est en train de pousser beaucoup plus loin le bouchon, d’une certaine manière, en essayant d’aller vraiment à une maille beaucoup plus fine, qui requiert une prise en compte vraiment des données. Et non seulement une prise en compte des données, mais également un accompagnement par rapport au business.

D’une part, il faut vraiment réussir à intégrer pour moi les commerçants. Et ce doit pas simplement être une histoire de Supply Chain, mais il faut savoir mettre dans la boucle d’une manière collaborative toutes les personnes qui forment l’entreprise, surtout la partie commerciale.

Kévin Baumann : Très bien. Effectivement, on a parlé de la Quantitative Supply Chain, de la gestion du changement. Et effectivement, il est primordial de susciter l’adhésion des utilisateurs finaux, sans quoi le projet échouera presque certainement, malgré la meilleure technologie du monde. La question que je poserai à Sébastien et Christophe maintenant, c’est comment est-ce que vous expliqueriez la Quantitative Supply Chain aux personnes pour la première fois en quelques mots ?

Sébastien Roux : Alors, je vais faire très simple. C’est le bon stock au bon endroit, au bon moment, dans les bonnes quantités. D’abord pour nos clients et aussi pour nos collaborateurs dans le geste opérationnel. C’est vrai qu’on est dans des magasins où le geste opérationnel n’est pas anodin et que derrière il y a une notion de productivité, de ROI qu’il faut aller chercher. Donc voilà, assez simplement.

Kévin Baumann : Bertrand, est-ce que tu veux ajouter quelque chose sur cette question ?

Bertrand Renault : Je vais peut-être faire même encore un peu plus simple, tout simplement en posant des questions et en écoutant nos clients. Alors ça peut paraître peut-être un peu basique, et quand je parle des clients, je parle des clients finaux mais également des clients internes, en écoutant les magasins. Parce qu’on est en train de parler effectivement d’avoir le bon stock au bon moment, au bon endroit, mais avec le bon coût associé également. Et ne pas faire une Supply Chain disruptive.

À un certain moment, quand on écoute le magasin, parfois ils se plaignent. On reçoit par exemple 10 palettes un jour, le lendemain on en reçoit deux, après on en reçoit cinq. Donc il faut essayer de prendre en compte également, en plus d’avoir les bonnes quantités au bon endroit et au bon moment également dans les magasins avec tous les coûts qui peuvent être associés à un moment donné donc j’ajouterai juste cette dimension qui est particulièrement importante d’autant plus quand on a des couvertures assez faibles quand on travaille beaucoup sur le working capital et donc on est forcément beaucoup plus exposé à n’importe quel événement qui peut arriver.

Kévin Baumann : Joannes, est-ce que c’est comme ça que tu présentes le concept quand tu parles à différents PDG ? Est-ce que tu t’appuies sur d’autres concepts ?

Joannes Vermorel : Oui, mes présentations sont peut-être trop longues, mais je voudrais encore là encore rebondir sur les exemples juste pour que le public puisse comprendre. Sur la question de j’embrasse ça complètement de dire on veut vraiment servir le client être en adéquation avec ce qu’il demande très bien et j’invite le public à réfléchir un petit peu. Vous êtes tous à peu près probablement ici familiers avec ces théories classiques de la Supply Chain. Je reprends, vous voyez, prévision série temporelle, stock de sécurité, taux de service et cetera.

Eh bien, si on reprend un exemple super basique de Maisons du Monde, pour la plupart d’entre vous qui sont allés dans un magasin Maisons du Monde, vous allez voir qu’il y a les produits, ils ont plusieurs rôles. Il y a des produits qui sont là pour être vendus, mais il y a aussi des produits qui sont là pour faire vendre, pour que le point de vente soit chaleureux, appétissant. En fait, si vous êtes sur une vision série temporelle, l’idée qu’un produit serve à faire vendre d’autres c’est mathématiquement pas possible. Ça rentre pas dans le formalisme, voyez, et donc une des raisons pour lesquelles les approches de Lokad semblent souvent assez atypiques, c’est que des choses qui semblent finalement assez simples et assez évidentes, eh bien on va essayer d’adhérer à la perception du client.

En fait, il faut pour faire ça juste accepter de ne pas mettre des formalismes idiots qui ne peuvent même pas exprimer des choses extrêmement simples du style il a envie d’avoir une ambiance très chaleureuse et de pouvoir ensuite repartir avec les articles qui l’intéressent. Mais c’est une petite nuance, mais j’invite l’audience à réfléchir bien. Vous ne pouvez pas faire ça avec des séries temporelles. Donc si vous avez un logiciel qui a décidé que, on va dire, au début, au milieu et à la fin, vos bout en bout les séries temporelles, ça serait l’alpha et l’oméga, ça va juste pas marcher en fait. Et c’est voilà, c’est mécanique.

Kévin Baumann : Merci. Un des derniers points donc, aujourd’hui il y a beaucoup d’engouement autour de l’intelligence artificielle dans la Supply Chain et Lokad se veut pionnier en la matière. Mais pour nous, un des aspects les plus importants c’est aussi la relation de travail entre le client et le Supply Chain Scientist. Sébastien, tu en as dit quelques mots tout à l’heure à ce sujet. Est-ce que tu veux partager plus de détails ou Christophe d’ailleurs ?

Sébastien Roux : Alors sur l’IA, on a beaucoup d’attentes et cet outil est pour nous l’opportunité de créer une relation simple et beaucoup plus courte entre le client final et la partie supply backoffice. Aujourd’hui, on était sur des modèles de probabilité assez complexes. L’IA va nous projeter même un peu plus loin en nous montrant que l’on peut faire tout aussi bien avec un peu moins et puis vraiment être dans quelque chose de hyper efficient, encore une fois pour garder ce côté commerçant et attractif pour nos magasins et puis en transparence aussi pour nos équipes parce que c’est censé aussi fluidifier leur travail au quotidien pour passer toujours plus de temps avec le client et au service d’une expérience sans couture.

Kévin Baumann : Très bien. Bon, notre table ronde va bientôt toucher à sa fin donc je vais poser une dernière question à chacun de nos intervenants en guise de conclusion. Christophe, quelles sont les prochaines étapes pour la Supply Chain chez Maisons du Monde ?

Christophe Lapotre : Bah, on est en pleine discussion justement. Il y a la volonté déjà d’aller au bout d’une première brique qui est cet approvisionnement aval. Donc là, on est, on finalise les phases de recettage, donc phase de test en mode réel très prochainement et puis une extension à l’ensemble des périmètres tout début d’année. Donc ça c’est vraiment la première brique qui doit accompagner aussi le plan de transformation.

Donc on est un peu dans le même objectif de décentraliser des roadmaps par pays, donc vraiment d’aller chercher le client spécifique là où il se trouve avec différents concepts, différents plans stratégiques par pays. Donc ça c’est un des gros gros enjeux. Et plus largement, la deuxième partie ce sera d’aller chercher dans la chaîne de valeur avec Lokad et l’amont et l’aval et d’activer d’autres briques. Donc on se parle en ce moment de l’importance d’adresser aussi le pricing avec Lokad.

Donc comment on peut finalement adresser ce combat qui est un combat extrêmement puissant, plus dans notre domaine actuellement, l’assortiment dynamique, donc le bon stock au bon endroit, mais de pouvoir aussi générer, je dirais, le bon sizing de référentiel. On a quand même 15 000 références actives chez Maisons du Monde en dehors de la marketplace. Donc comment finalement entraîner le meilleur référentiel possible tout au long de la vie du magasin, toute l’année. Et puis plus largement remonter encore plus la chaîne en amont, aller jusqu’aux achats. Donc ça c’est les prochaines briques.

Mais voilà, première brique aval et puis après d’aller chercher l’ensemble de la chaîne de valeur parce qu’on en a parlé un petit peu, mais on était très silotés. La transversalité n’était pas finalement si simple que ça. D’avoir un honneur du stock en interne, c’était beaucoup de responsables et finalement l’opération parapluie peut être facile. Donc c’est aussi l’ambition de pouvoir mettre tous les interlocuteurs, tous les acteurs sous le même toit dans ce long combat.

Et comme tu l’as souligné aussi dans la gestion du cash, on est sur un des actifs les plus précieux de l’entreprise. Donc c’est remonter cette chaîne de valeur le plus rapidement possible.

Kévin Baumann : Très bien. Sébastien, est-ce que tu veux ajouter quelque chose sur la façon dont Lokad vous accompagnera dans ces transformations et ces différentes étapes ?

Sébastien Roux : Bah, on compte sur une collaboration qui continue d’être aussi efficace et présente, et qui passera aussi par, comment dire, un accompagnement au-delà de la distance, de présentiel avec nous pour embarquer ce nouvel outil sur l’assortiment et puis pourquoi pas les briques complémentaires. Voilà, on est en tout cas très contents jusqu’à présent et on vous trouve très supportifs donc ça nous va bien.

Kévin Baumann : Merci beaucoup, plaisir partagé. Bertrand, qu’est-ce que réserve 2025 pour la Supply Chain d’IskayPet ?

Bertrand Renault : Alors, dans un premier temps bien évidemment l’amélioration continue et je soulignerai peut-être deux autres points. Le premier point c’est la gestion de la promo qui nous donne encore pas mal de maux de tête. Pour se faire une idée, 40 % de nos ventes sont à peu près axées sur la vente promo, tant en magasin qu’en e-commerce. Et c’est encore une gestion de la demande qu’on a du mal à prendre en compte et qu’on travaille encore aujourd’hui d’ailleurs avec de l’Excel. Donc on a vraiment besoin de travailler sur ce point car c’est un impact assez important sur le stock et sur les ventes. Et le troisième point, l’ouverture d’une plateforme au Portugal. On est donc en train de travailler aujourd’hui sur l’offre qu’on doit stocker localement pour donner service au point de vente du Portugal.

Kévin Baumann : Parfait, merci beaucoup. Merci à tous Christophe, Sébastien, Bertrand, Joannes. C’était vraiment un plaisir de discuter avec vous aujourd’hui. On va maintenant passer aux questions du public. Vous pouvez vous manifester, poser votre question et surtout nous dire si vous interrogez le panel en général ou quelqu’un en particulier.

Le modérateur : Alors, cette présentation stimulante va-t-elle stimuler des questions de votre part ? C’est vrai qu’il y a quand même des choses qui ont été remises en cause par Joannes notamment. Que vous vous soyez sentis attaqués dans vos pratiques, dans vos outils, que ce soit pour défendre votre vision ou autre, n’hésitez pas à poser des questions.

Ben c’est peut-être moi alors que je suis peut-être le moins concerné puisque je suis pas un praticien, mais à un moment dans votre première intervention vous avez évoqué, Joannes, après avoir démonté les indicateurs traditionnels, fait valoir l’idée de profitabilité parce que quelque part il y a quand même cette idée dans l’activité des entreprises. Est-ce que vous pouvez revenir sur ce point et la façon dont ça peut irriguer plus fondamentalement la façon de fonctionner, d’envisager l’activité de la Supply Chain ?

Joannes Vermorel : Alors la vision classique de la Supply Chain, ça optimise des pourcentages, taux de service en gros, et la grande illusion, c’est que ces pourcentages n’ont aucune corrélation avec le retour sur investissement que vous pouvez avoir. De rien du tout. C’est donc à chaque fois que vous voyez des pourcentages, c’est extrêmement satisfaisant parce qu’avec des pourcentages, personne ne prend aucun risque. Voyez, c’est en gros, c’est complètement opaque, ça permet aux bureaucraties de se développer.

Il y a des pourcentages qui montent, il y a des pourcentages qui baissent. Voilà, c’est très pratique si jamais vous voulez avoir une bonne bureaucratie bien planquée dans une grande entreprise. Vous mettez des KPI dans tous les sens à base de pourcentages et vous êtes certain qu’il n’y aura jamais aucun retour sur investissement et que quand bien même vous perdriez beaucoup d’argent, personne ne voit rien.

Alors Lokad, nous, on financiarise tout, mais c’est pas tellement qu’on est des financiers, c’est plutôt que les supply chains sont très complexes. Il y a beaucoup, beaucoup de forces en présence. Voyez, il y a le coût des stocks, le coût de la rupture, le coût du transport, les MOQ, le fait qu’on a des price breaks. Si on achète plus, on peut l’avoir moins cher par coût unitaire. Si jamais je décide de faire expédier par avion, ça coûte plus cher, mais ça arrive plus vite. Il y a le coût du capital, combien de temps je vais devoir garder le stock sous la main. Et donc on se retrouve avec beaucoup, beaucoup d’éléments et la seule façon d’arriver à un peu équilibrer tous ces éléments, nous, c’est notre recette, enfin c’est notre constat, c’est qu’il faut tout mettre en euros.

Alors ça veut pas dire d’avoir une vision financiarisée naïve, idiote, court-termiste où on fait des grosses bêtises parce qu’on regarde un mois en avant au lieu de regarder trois ans en avant. Le coût, par exemple, de la relation avec un client quand on a une marque qui est comme Maisons du Monde, qui est très appréciée, c’est quelque chose qui se construit sur des décennies. Donc il faut regarder loin en avant. C’est-à-dire que les indicateurs financiers, il faut qu’ils soient bien pensés et long-termistes, je dirais. Mais il n’empêche qu’en fin de compte, il faut arriver à mettre tout en euros pour arriver à équilibrer tout ça. Et c’est ce que fait Lokad. Et l’élément un peu surprenant, c’est que ça dynamite un peu tous ces, je dirais, ces indicateurs classiques très tièdes qui sont à base de pourcentages où en fait, c’est pourcentage contre pourcentage et puis personne n’a aucune opinion sur rien en vrai. Voilà.

Le modérateur : Ben justement, du coup, je me tourne vers vos clients. Ça fait partie clairement de l’attrait initial dans le choix de travailler quand on entame un plan de transformation. Ça fait partie de l’attrait initial ?

Sébastien Roux : Ouais, puis ce qu’on a beaucoup apprécié, nous, c’est de ne pas se noyer dans des moyennes, ce qui est un peu notre prisme premier. Ce qu’on a beaucoup aimé avec Lokad, c’est qu’on va chercher des exemples très précis à la référence et on remonte finalement la problématique. Donc je peux prendre un exemple bête. J’ai un magasin qui a une série de vases. Il a vendu une fois ce vase-là, mais on lui a renvoyé sept fois sans avoir finalement la compréhension pure. Lokad nous amène à comprendre en remontant la chaîne de valeur pourquoi on aurait dû en envoyer peut-être que deux et pourquoi l’erreur de ce sept ou huit.

Donc nous, ce qui nous a plu, c’est d’aller profondément, je dirais, gommer et comprendre et agir en conséquence sur ce fameux exemple que je peux vous donner. Donc ça, c’est dans ce que Lokad nous a amené, c’est effectivement décomplexifier l’approche, travailler sur des cas concrets, les expliquer et derrière, cette logique amène forcément une dimension héroïste de toute façon par nature. Donc ça, c’était un des points clés quand on a lancé l’appel d’offre. C’est ce qui nous a le plus parlé, c’est effectivement d’être simple, efficace et de le rendre tangible pour 100 % de nos collaborateurs.

On en parlait beaucoup avec notre vendeur. Un vendeur doit comprendre ce qui se passe. D’avoir des moyennes, effectivement, une complexité de données qui ne nous permet pas de comprendre la réalité du terrain. On reste dans un univers simple. On a des clients, on ouvre des magasins, on vend. Il faut qu’on puisse comprendre parfaitement tous les flux qui s’opèrent. Donc c’est ce qui nous a beaucoup plu, simplifier l’approche et remonter des cas de figure très concrets en allant à la référence plus qu’à la moyenne de notre métier.

Le modérateur : Alors je vais rebondir sous forme de boutade. Peut-être que le vase en question, le premier, il était cassé. Et ça justement, ça fait partie des enjeux du, alors c’est pas du codage, mais de la traduction. Et vous l’avez évoqué, de la traduction de la réalité du terrain dans les outils. Quand vous êtes tourné vers Kevin pour illustrer la façon dont ce rôle de Supply Chain Scientist est de faire une traduction de la réalité. Mais est-ce que Kevin, vous pouvez entrer un petit peu plus en détail sur la nature de votre rôle ?

Kévin Baumann : Oui, exactement. Alors l’exemple du vase cassé, bon, c’est pas quelque chose qui existe dans les règles de Maisons du Monde, mais effectivement, on a quand même une certaine compréhension des produits à avoir et de ce qu’ils représentent en termes d’opportunités économiques et de coûts. Si je donne deux exemples assez simples, par exemple, une assiette, ça prend pas beaucoup de place. On a plutôt envie de les vendre par six et pas par une parce que les personnes achètent des services entiers et on va avoir envie, même si le stock paraît peut-être un peu élevé au vu des prévisions, d’avoir toujours au moins des lots de six présents.

Une pile d’assiettes, exactement. À l’inverse, un miroir, quelque chose d’assez volumineux, on a peut-être un bon potentiel de vente et en en mettant deux ou trois, on peut tenir quatre semaines, ce qui n’est pas quelque chose de hors de propos. En revanche, le volume que ça prend en magasin induit un certain coût logistique, un certain coût de stockage.

Ça prend la place d’autres types de produits. On n’a pas forcément envie d’aller chercher aussi loin pour des produits de ce type puisque, voilà, ils nous coûtent plus à stocker, que ce soit d’un point de vue financier ou même tout simplement de l’espace disponible.

Le modérateur : Ça se casse aussi, les assiettes et les miroirs. Je reste là sur cet exemple et, surtout, il y a une question du côté de la salle.

Auditeur : Oui, merci pour la présentation. Du coup, j’ai deux questions. Une pour Christophe, Sébastien et Bertrand. C’est comment vous gérez la conduite du changement ? Parce que j’imagine que si c’est Lokad qui aide à la prise de décision, il y a des collaborateurs qui peuvent se sentir peut-être dépossédés de la prise de décision. Donc, comment vous gérez cette conduite du changement là ? Et puis une question pour Joannes, c’est sur le modèle économique. En fait, du coup, comment vous vous approchez le sujet ? Je comprends qu’il y a une partie service et logiciel. Comment vous vous positionnez pour accompagner vos clients sur ce sujet-là du modèle économique sous-jacent ?

Christophe Lapotre : Merci. Alors, sur la partie collaborateur, aujourd’hui, effectivement, on pourrait se poser la question de se dire que les équipes sont dépossédées. Alors, pas du tout. Justement, elles ont plus de temps pour comprendre et analyser la proposition de Lokad. Elles ont des moyens d’action où elles peuvent jouer sur les curseurs. Et justement, on est aussi dans du machine learning, c’est-à-dire que l’on est en train de faire aussi de toucher un peu l’outil pour qu’il apprenne un peu nos logiques d’accélération, décélération.

On parle de localisation de l’offre. C’est aussi, on se dit qu’on consomme pas de la même façon dans le sud de la France que dans le Nord et pas les mêmes produits. Donc justement, on a sectorisé nos équipes de Business Analyst en fonction des secteurs pour pouvoir justement répondre au mieux à la demande en local et pouvoir jouer et faire varier l’outil sur les écarts qu’on peut constater. Et justement, dans leur métier aujourd’hui, au lieu de passer énormément de temps à manipuler de la data, manipuler des tableaux, des pourcentages, des dashboards, des machins, des trucs, elles sont plus dans l’intelligence humaine dans ce qu’elles poussent en magasin et du correctif à apporter.

Et c’est ça qui est intéressant et que c’est ça aussi qui leur a amené à être hyper enthousiastes dans le changement et en faire finalement des partenaires business des magasins. Avant, elles étaient dans de l’exécution pure et dure. Aujourd’hui, elles sont dans des échanges réguliers avec les magasins pour comprendre ce qu’elles ont fait la fois d’avant, pourquoi ça a fonctionné, pourquoi ça n’a pas fonctionné et proposer des nouvelles choses. Donc elles sortent un peu de leur périmètre. Alors évidemment, ça bouscule les idées reçues, ça fait peur parce que finalement elles sortent de leur espace de confort où quand je traite de la data et je moyenise, ça va.

Mais là, comme j’ai un périmètre et qu’en plus on benchmark les périmètres dans les performances économiques qu’on peut avoir, bah voilà, ça les met dans une autre situation et c’est hyper intéressant pour elles. Et quand je dis elles, c’est parce qu’il y a beaucoup de filles dans l’équipe. Mais pour nous, en tout cas, c’est vachement bien parce qu’on, d’un peu, d’une action précise dans un endroit, on peut y voir tout de suite la valeur ajoutée qu’on a pu faire. Alors que dans un système très centralisé, très moyennisé, c’est noyé dans le volume.

Donc, on est au début, mais pour l’instant, ça se passe hyper bien. Et je veux dire, elles ont été convaincues par le modèle. Alors, on a encore des grandes discussions, hein, sur ce que dit Joannes. On est toujours à vouloir se rassurer avec des tableaux, des dashboards, des moyennes, des taux de service. Mais on commence un peu à aller au-delà. Mais c’est vrai qu’au début, c’était un peu perturbant. Ça l’est encore un peu.

Joannes Vermorel : Alors, sur la question du modèle d’affaires, Lokad, c’est assez simple. On fait une facturation flat mensuelle qui se décompose en, d’un côté, des coûts de plateforme Cloud et de l’autre, du coût de Supply Chain Scientist. Et ce qui est intéressant, c’est que toutes nos recettes numériques sont accessibles en termes de code au client. Donc, ça veut dire qu’en gros, en termes de propriété, tout ce que les Supply Chain Scientists développent va être, donc c’est du code où il n’y a pas d’algo boîte noire. Tout est accessible littéralement aux clients. Ensuite, nos clients ne sont pas forcément intéressés par le fait d’aller mettre le nez là-dedans.

On a aussi un autre élément qu’on appelle le JPM, le Joint Press Manual, qui est en fait un document rédigé par les Scientists qui permet la passation de relais entre un Supply Chain Scientist et un autre. Et ce document documente tous les pourquoi on a codé numériquement les choses, comment on l’a fait. Donc, ça en fait, ça explique le pourquoi de la modélisation. Vous voyez, la modélisation, c’est des choix par rapport à notre compréhension de la stratégie du client. Mais il y a plein d’arbitraires là-dedans. Donc, en fait, et si la stratégie du client évolue, la modélisation numérique adaptée évolue aussi.

L’idée, c’est que le client a à la fois le code et une documentation non pas de ce que fait le code, ça suffit de relire le code en vrai, mais une documentation de pourquoi on l’a fait comme on l’a fait. Voilà. Donc, tout ça dans un modèle, je dirais, SaaS. Voilà.

Le modérateur : Peut-être une autre question au fond de la salle, là-bas.

Pierre F. : Oui, Pierre F., cabinet Léon. Merci pour cette présentation. Joannes, vous avez indiqué la logique de financiariser la Supply Chain plutôt que d’utiliser des KPI. On voit bien, la financiarisation est relativement facile pour le stock, le coût de transport, mais pour certains sujets, par exemple comme le coût d’une rupture en magasin, ça peut s’avérer plus compliqué. Est-ce qu’une rupture, le client peut ne rien acheter ou peut acheter un produit similaire ou peut décider de revenir dans le magasin. Donc, comment dans ce type de situation on peut financiariser, par exemple, le coût d’une rupture ?

Joannes Vermorel : Alors là encore, la théorie classique de la Supply Chain, à chaque fois qu’il y a un problème compliqué, elle botte en touche, elle n’y répond pas. Et en fait, on prétend que le problème n’existe pas. C’est vrai pour tous les problèmes de cannibalisation, substitution qui sont difficiles, les problèmes de coûts de rupture qui sont difficiles, de problématique par exemple aussi, à l’inverse, de coût du discount. Vous donnez une promotion, vous faites une promotion et puis, vous entraînez votre base de clients à consommer toujours de la promotion. Ça va mettre des années à se mettre en place et ça met des années à en sortir.

Alors, si je reviens et vous donne tout un tas d’exemples qui sont tous très durs. Moi, ma vision, c’est qu’il vaut mieux être approximativement juste que exactement faux. C’est-à-dire que sur le coût de la rupture, si on démarre et qu’il faut prendre une estimation, une estimation grossière, on va en discuter avec les métiers et puis on va prendre leur estimation comme premier jet, qu’est-ce qu’ils en pensent. Ensuite, à partir de là, ce qui est assez intéressant, c’est qu’une fois que vous avez ce premier jet, vous pouvez rejouer vos optimisations de décision. Et ce qui est assez intéressant, c’est que ces hypothèses économiques, on se rend compte qu’elles ne sont pas bonnes quand elles génèrent des décisions débiles.

Donc ça, c’est très intéressant, c’est-à-dire qu’en fait, on soumet au critère de l’expérience qui est le fait de générer une décision sur la base de cette hypothèse économique et si la décision générée semble idiote, c’est qu’en fait, on s’est trompé sur l’hypothèse. Donc ça, ça donne une boucle de retour. Ça, c’est, je dirais, au tout début. Ensuite, si on a un peu plus de temps pour les coûts de rupture, s’il y a des cartes de fidélité, s’il y a des caisses, on peut avoir les paniers d’achat, on peut analyser statistiquement ce qui se passe. On peut littéralement voir si j’ai perdu des clients, si j’ai des clients qui ont acheté moins. Mais je dirais, ça, c’est dans un deuxième temps.

Généralement, mon expérience, c’est pour démarrer sur une question de coût de rupture, il faut une discussion, faire quelques rounds d’expérimentation. On génère les décisions, ça permet de calibrer, de vérifier qu’on n’est pas complètement à l’ouest. Et une fois qu’on est en production, une fois qu’on a du temps, on fait les trucs d’aller analyser du panier d’achat, de l’impact sur la loyauté, etc. Mais c’est assez… c’est stagé.

Le modérateur : Merci. On a peut-être le temps pour une dernière question.

Pas tout à fait. Ben du coup, je non, non, je vais faire un classique. Vous êtes au finish rencontré comment ? Du moins Lokad, vous les avez rencontrés comment ? C’est vrai qu’un acteur comme ça, qui, ben, qui sort du cadre et des habitudes, mais on le trouve comment ? Et ça vaut pour Maisons du Monde, pour comme IskayPet.

Bertrand Renault : Ben, dans notre cas, le hasard. On a fait une prospection de marché. Ensuite, on a eu différents intervenants et pour moi, la solution paraissait assez évidente d’une certaine manière, d’autant plus que le scope sur lequel on allait travailler au début était assez réduit.

Donc en termes d’investissement et de CAPEX, on cherchait quelque chose d’assez léger, limité, qui nous permettait de faire les choses assez rapidement. Et ben, ça a été chose faite et ça s’est très bien passé.

Christophe Lapotre : Pour le coup, de mon ancienne vie professionnelle, puisque chez Celio, Lokad était présent. J’avais participé à l’époque à l’appel d’offres. Ça a été plus qu’un coup gagnant dans mon ancienne expérience et c’était assez naturel en venant chez Maisons du Monde de pouvoir le proposer à mes collègues du commerce en interne.

Donc on est passé après par une boucle assez naturelle d’appel d’offres et Lokad s’est imposé sans coup de pouce, promis. Mais c’est… voilà. Donc pour le coup, moi, je l’avais déjà expérimenté et vu modifier et transformer le modèle en modèle gagnant. Donc ça a été pour moi déjà une preuve par l’exemple.

Le modérateur : Et bien, merci à tous. On arrive au bout de cette intervention, ce qui ne veut pas dire que la discussion ne peut pas se poursuivre sur le stand, notamment. Je l’ai noté quelque part.

Joannes Vermorel : C’est juste à l’entrée, devant le vestiaire.

Le modérateur : Voilà, exactement. Je l’ai vu, c’est une bonne indication qui n’est pas exprimée sous forme d’allée et de numéros, mais c’est en tout cas d’un point de vue pratique, c’est à l’entrée. Merci à tous.